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« Pourquoi brilles-tu sitôt sur nos nuages, dit-il, charmante lumière de Lutha ? Mais tu étais triste, ma fille, tes amis n’étaient plus. Des fils d’hommes dégénérés habitaient nos palais et il ne restait de nos héros qu’Ossian, le roi des lances ! »

Tu te souviens donc d’Ossian, ô Toscar, fils de Conloch ! Les batailles de notre jeunesse furent nombreuses ! Nos épées allaient ensemble aux combats. Les fils de l’étranger fuyaient : « Voici les guerriers de Cona, disaient-ils ; leurs pas sont sur les sentiers des fuyards. » — Approche, fils d’Alpin, écoute le chant du vieillard : les hauts faits des autres temps sont dans mon âme ; ma mémoire rayonne sur les jours du passé, sur les jours du puissant Toscar, quand nous voguions ensemble sur l’abîme. Approche fils d’Alpin, écoute les derniers accents de la voix de Cona[1].

Le roi de Morven commande : je lève mes voiles au vent. Toscar, chef de Lutha, était à mes côtés et nous voguions sur la vague sombre et bleue. Notre course était vers Berrathon, l’île aux fréquentes tempêtes. C’est là que demeurait sous ses boucles de vieillesse le puissant et majestueux Larthmor ; Larthmor qui étala devant Fingal le festin des coupes, quand le roi de Selma se rendit au palais de Starno, aux jours d’Agandecca. Mais lorsque le chef fut vieux, l’orgueil de son fils éclata ; l’orgueil du blond Uthal, l’auiour de mille jeunes beautés. Il enchaîna le vieux Larthmor et habita ses salles retentissantes.

Le roi languit longtemps dans une caverne près de la mer houleuse. Le jour ne pénétrait pas dans sa demeure et nul chêne embrasé ne l’éclairait la nuit. Mais le vent de l’Océan y descendait ainsi que

  1. Ossian s’appelle poétiquement la voix de Cona ; il fait entendre que c’est le dernier poème qu’il composa.