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au milieu des ombres de tes amis et tu viens t’asseoir avec eux dans leurs demeures orageuses, les salles du tonnerre. Un nuage plane sur Cona : ses flancs bleus et roulés sont haut, et les vents sont au-dessous avec leurs ailes. Dans ce nuage est la demeure de Fingal. Là, le héros est assis dans l’obscurité ; sa lance aérienne est dans sa main ; son bouclier à moitié couvert de nuages ressemble à la lune assombrie, quand l’une de ses moitiés est encore dans les flots et que l’autre regarde languissamment la plaine.

Les amis du roi sont assis autour de lui sur le brouillard. Ils écoulent ieîi chants d’Ullin. Il touche la harpe à moitié invisible et élève sa faible voix. Les héros inférieurs éclairent de mille météores la salle aérienne. Malvina se lève au milieu d’eux. La rougeur sur les joues elle contemple les visages inconnus de ses pères et détourne ses yeux humides. « Pourquoi, lui dit Fingal, pourquoi viens-tu sitôt parmi nous, fille du généreux Toscar ? La douleur habite les salles de Lutha. Mon vieux fils est triste[1] ! J’entends la brise de Cona, habituée jadis à soulever ta lourde chevelure. Elle vole à ta demeure ; mais tu n’y es plus. Sa voix est plaintive entre les armes de tes pères. Va avec ton aile bruissante, ô brise, soupirer sur la tombe de Malvina. Elle s’élève là-bas au pied du rocher, près du bleu torrent de Lutha. Les jeunes filles[2] sont retournées dans leurs demeures. Toi seul, ô brise, tu y pleures ! »

Mais qui vient du sombre Occident porté sur un nuage ? Un sourire est sur son visage obscur ; sa chevelure de brouillard vole sur le vent, et il se penche sur sa lance aérienne. C’est ton père, Malvina !

  1. Ossian, qui portait une grande affection à Malvina.
  2. Ce sont les jeunes filles qui chantaient sur sa tombe l’élégie funèbre.