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pères. Je vois les franges de leurs robes, semblables au brouillard gris et humide. Quand dois-je mourir, ô Rumar ? La triste Cuthona prévoit sa mort. Conlath ne me verra-t-il pas avant que j’entre dans mon étroite demeure ?

OSSIAN.

Il te verra, ô jeune fille ! Il vient sur la vague houleuse. Sombre sur sa lance est la mort de Toscar. Mais une blessure est dans son flanc ! À la caverne de Thona il est pâle et montre son horrible blessure. Où es-tu avec tes larmes, ô Cuthona, le chef de Mora expire… Mais sur mon esprit la vision devient obscure et je ne vois plus les chefs ! Bardes des temps futurs, rappelez-vous avec des larmes la chute de Conlath. Il est tombé avant son jour, et la tristesse s’est assombrie sur sa demeure. Sa mère, à la muraille, regardait son bouclier ; et il était ensanglanté. Elle comprit alors que son héros avait succombé et sa douleur fut entendue sur le Mora. Pâle, sur ton rocher, Cuthona, tu restes près des chefs abattus ! La nuit descend et le jour revient, mais personne ne paraît pour élever leurs tombes. Tu chasses les oiseaux de proie ; tes larmes coulent sans cesse et tu es pâle comme l’humide nuage qui s’élève d’un lac !

Enfin arrivèrent les fils de la verte Selma. Ils trouvèrent Cuthona froide. Ils élevèrent une tombe sur les héros. Elle repose à côté de Conlath ! Ne viens plus dans mes rêves, ô Conlath ! Tu as reçu ton chant de gloire. Que ta voix s’éloigne de ma demeure afin que le sommeil puisse y descendre la nuit ! Oh ! que ne puis-je oublier mes amis jusqu’à ce que la trace de mes pas ait cessé d’être vue ! jusqu’à ce qu’avec joie, j’arrive au milieu d’eux, et que j’étende mes membies vieillis dans l’étroite maison des morts !