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Le soir descend sur Moi-lena. Les torrents roulent obscurs sur la plaine. La voix de Fingal retentit. La flamme des chênes s’élève. Autour de lui son peuple se rassemble avec allégresse ; mais cette allégresse est mêlée d’ombres. Ils regardaient le roi et voyaient que sa joie n’était pas complète. Mais, du chemin du désert, arrive harmonieuse la voix de la musique. D’abord elle ressemblait au bruit d’un torrent sur ses rochers lointains. Elle glissait lentement le long de la colline, comme les ailes froissées de la brise quand elle effleure, dans la saison de la nuit, la barbe touffue des rochers. C’était la voix de Condan, jointe à la harpe tremblante de Carril. Ils venaient avec Ferad-artha, aux yeux bleus, vers Mora des torrents.

Soudain les chants de nos bardes éclatent sur Lena. L’armée y joint le bruit de ses boucliers. La joie, sur le roi, se lève brillante, comme le rayon d’un jour nuageux, quand il se lève sur la verte colline, avant le rugissement des vents. Il frappe le bouclier des rois. Tous ensemble, ils se taisent autour de lui. Les guerriers, appuyés sur leurs lances, se penchent vers la voix de leur patrie.

« Fils de Morven, préparez la fête ; que la nuit se passe dans les chants ! Vous avez brillé autour de moi et la noire tempête est passée. Mon peuple est le rocher battu des vents d’où j’ai déployé mes ailes d’aigle, quand j’ai fondu sur la gloire, pour la saisir dans le champ des batailles. Ossian, tu as la lance de Fingal. Ce n’est point le bâton d’un enfant, avec lequel ce jeune coureur des plaines abat autour de lui les têtes des chardons. Non, c’est la lance des puissants : dans leurs mains elle donnait la mort. Contemple tes aïeux, ô mon fils : ce sont des astres augustes. Avec le jour, conduis Ferad-artha au palais de Témora. Parle-lui des rois d’Érin, les ombres majestueuses du passé. Que ceux qui sont tombés ne