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œil s’en réjouisse. Je t’ai vu quelquefois briller entre tes nuages : ainsi, apparais à mon fils, quand il devra lever la lance. Alors il se souviendra de tes puissantes actions, quoique aujourd’hui tu ne sois plus qu’un souffle ! »

À mes mains il donna la lance et, aussitôt, pour en parler aux temps futurs, il éleva une haute pierre à la tête grise et couverte de mousse. Il enterra dessous une épée et une bosse brillante de son bouclier. Sombre dans sa pensée, il s’inclina quelque temps : enfin il prononça ces mots :

« Ô pierre, quand tu seras réduite en poussière et perdue dans la mousse des années, alors le voyageur viendra et passera en sifflant. — « Tu ne sais pas, homme faible, que la gloire a jadis brillé sur Moi-lena. Ici Fingal, après la dernière de ses batailles, a résigné sa lance. Éloigne-toi, vaine ombre ! Dans ta voix il n’est aucune gloire. Tu demeures près de quelque paisible torrent. Peu d’années encore et tu ne seras plus ! Personne ne se souviendra de toi, habitant des épaisses vapeurs. Mais Fingal sera revêtu de gloire ; il sera un astre de lumière pour les siècles futurs : car il ne sortait dans ses armes retentissantes que pour protéger le faible. »

Éclatant dans sa gloire, le roi marcha vers le chêne du Lubar, qui se penche de son rocher sur les eaux bouillonnantes du torrent. Au-dessous est une plaine étroite où murmure la source du rocher. C’est là que l’étendard de Morven ondoyait sur les vents pour indiquer la marche de Ferad-artha, parti de sa secrète vallée. Rayonnant entre les nues divisées, le fils du ciel regardait à l’Occident. Fingal vit son peuple ; il entendit les acclamations de sa joie. Ses guerriers, en rangs brisés, étincelaient autour de lui, aux rayons du couchant. Le roi se réjouissait, comme un chasseur dans sa vallée, qui voit après l’orage étinceler les flancs des rochers, quand sur