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na. C’est là, qu’au milieu des boucles de la jeunesse, demeure Ferad-artho, le roi aux yeux bleus, le fils de Cairbar d’Ullin. Il écoute la voix de Condan, qui, vieux, se penche dans la faible lumière de la caverne ; il l’écoute, car ses ennemis habitent le palais de Témora. De temps en temps il sort sous le voile des brouillards pour percer les daims bondissants ; mais quand le soleil regarde la plaine, il n’est ni sur les rochers, ni sur les rives des torrents. Il évite la race de Bolga, qui demeure dans le palais de son père. Dites-lui que Fingal lève la lance et que ses ennemis succomberont peut-être. Ô Gaul, lève ton bouclier devant lui ! Dermid, présente-lui la lance de Témora ! Que ta voix, ô Carril ! raconte à ses oreilles les exploits de ses pères ! Conduisez-le sur la verte Moi-lena, sur la plaine obscure des fantômes ; car c’est là qu’à travers les rangs de la guerre je vais me précipiter au combat. Avant que la nuit obscure descende, montez sur la haute cime de Dun-mora[1], et, à travers les voiles gris du brouillard, jetez les yeux sur Lena des torrents ; si vous y voyez mon étendard flotter dans le vent sur les eaux brillantes du Lubar, c’est que Fingal alors n’aura pas succombé dans sa dernière bataille. »

Telles furent ses paroles, et, sans répondre, les rois s’éloignèrent en silence. De côté, ils regardaient l’armée d’Érin et devenaient plus sombres à mesure qu’ils s’en allaient. Jamais, avant ce jour, ils n’avaient quitté le roi dans le champ orageux des batailles. Derrière eux, touchant sa harpe de temps en temps, marchait Carril aux cheveux blancs : il prévoyait la chute des guerriers, et son chant était lugubre comme la brise qui souffle par moments

  1. Dun-mora : montagne de mora. De ce mot Dun dérive notre mot Dunes, amas ou montagnes de sable.