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réjouis point de la chute de l’ennemi, quand il a cessé de lever la lance. Avec le jour nous verserons nos forces dans la plaine. Fingal veille sur sa bruyante colline.

Semblables aux vagues repoussées par des vents subits, les guerriers d’Érin se retirent à la voix de leur roi. Dans la plaine de la nuit ils roulent et répandent leurs bourdonnantes tribus. De distance en distance, chaque barde, avec sa harpe, s’est assis sous son arbre. Ils élevaient la voix, ils touchaient les cordes, chacun pour le chef qu’il aimait. Devant un chêne brûlant, Sul-Malla, de temps en temps, touchait aussi sa harpe. Elle touchait la harpe et s’interrompait pour écouter dans ses cheveux les brises de la nuit. Non loin d’elle, dans l’obscurité, le chef d’Atha reposait sous un arbre antique. La lueur du chêne ne donnait point sur lui ; il voyait la jeune fille, mais n’en était pas vu. Son âme s’attendrit en secret quand il l’aperçut, les yeux remplis d’effroi. « Mais la bataille est devant toi, fils de Borbar-duthul ! »

Suspendant par moments les sons de sa harpe, elle écoutait si les guerriers dormaient. Son âme était pleine ; il lui tardait de répandre en secret le chant de sa propre tristesse. La plaine est silencieuse. Sur leurs ailes les vents de la nuit se retirent ; les bardes ont cessé leurs chants, et les rouges météores serpentent avec leurs fantômes. Le ciel devient obscur ; les ombres des morts se confondent avec les nuages. Mais la fille de Conmor se penche insoucieuse sur la flamme expirante ; car toi seul es dans son âme, ô vaillant chef d’Atha ! Elle touche la harpe, et entre chaque pause s’élève la voix de son chant.

« Clun-galo[1] vint et ne trouva plus sa fille. Où

  1. Clun-galo, femme de Conmor, roi d’Inis-huna, et mère de Sul-malla.