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et le Lubar serpente de nouveau au milieu de leur armée. Cathmor était ce rayon venu du ciel qui brilla quand son peuple était dans les ténèbres. Honoré, il se tenait au milieu de ses guerriers, et leurs âmes, avec ardeur, se levaient autour de lui. Le roi seul ne montrait aucune joie : il n’est point étranger à la guerre !

Pourquoi le roi est-il si triste ? dit Malthos à l’œil d’aigle. Reste-t-il quelque ennemi sur les rives du Lubar ? En est-il un parmi eux qui puisse lever la lance ? Ton père, Borbar-duthul, le roi des lances, n’était pas si paisible ; sa rage était un feu qui brûlait toujours, et grande était sa joie à la chute de ses ennemis. Le héros aux cheveux gris passa trois jours en fête quand il apprit que Calmar n’était plus, Calmar qui, venu de Lara des torrents, combattait pour la race d’Ullin. Souvent il toucha de ses mains le glaive qu’on lui disait avoir percé son ennemi ; il le touchait de ses mains, car la lumière avait abandonné ses yeux. Cependant, pour ses amis, ce roi était un soleil, une brise qui caressait leurs branches. La joie l’environnait dans son palais ; il aimait les fils de Bolga ; son nom se conserve dans Atha comme le souvenir des fantômes, dont la présence était terrible, mais dissipait la tempête. Maintenant que les voix d’Érin[1] relèvent l’âme du roi, de celui qui a brillé quand la bataille était noire, et qui a terrassé le puissant ! Fonar, du sommet grisâtre de ce rocher, répands l’histoire des temps passés sur l’armée d’Érin dont les vastes flots se calment à l’entour. »

« Non, dit Cathmor, aucun chant ne s’élèvera pour moi et Fonar n’ira pas s’asseoir sur le rocher du Lubar. C’est là que reposent les puissants : ne troublons point leurs ombres errantes. Loin de moi, Malthos, loin de moi, les chants mélodieux d’Érin. Je ne me

  1. Expression poétique pour les bardes d’Irlande.