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Les rangs brisés de l’armée de Morven sont dispersés sur le Mora à quelque distance du roi. Ils détournent les yeux et chacun se penche tristement sur sa lance de frêne. Le roi, au milieu d’eux, se tenait silencieux : pensées sur pensées roulaient dans son âme, comme la vague suit la vafjue écumante dans un lac des montagnes. Il regardait et ne voyait aucun de ses fils paraître avec sa longue lance étincelante. Les soupirs se pressent dans son âme ; mais il cache sa douleur. Enfin, j’arrive et m’arrête sous un chêne, mais ma voix ne se fait point entendre. Que pouvais-je dire à Fingal dans son heure d’affliction ? Enfin, sa voix s’élève au milieu de son peuple et ses guerriers reculent à ses paroles.

« Où est le fils de Selma, où est celui qui vous commandait dans le combat ? Je ne le vois point, avec mon armée, revenir du champ de bataille. Est-il tombé le jeune et bondissant chevreuil que l’on voyait si beau sur mes collines ? Il est tombé ! car vous gardez le silence. Il est brisé, le bouclier de la guerre ! Qu’on m’apporte son armure et l’épée de Luno. Je veille, cette nuit, sur ma colline : avec le jour je descends au combat ! »

Sur le haut du rocher de Gormul un chêne flamboie au vent. Les voiles gris du brouillard roulent autour de la flamme. C’est là que dans sa fureur le roi porte ses pas. Quand son âme brûlait de combattre il se retirait toujours à quelque distance de l’armée. Élevé sur deux lances est suspendu son bouclier, ce signal étincelant de la mort ; ce bouclier que pendant la nuit, il avait coutume de frapper, avant de s’élancer au combat. Ses guerriers savaient alors que le roi devait lui-même les conduire à l’ennemi ; car ce bouclier ne se faisait jamais entendre qu’au réveil du courroux de Fingal. Ses pas sont inégaux sur la colline : il brille à la clarté du chêne. Il est terrible comme le fantôme de la nuit, lorsqu’il