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Monte vers le nuage de ton père, monte vers la colline de ses fêtes, où, assis dans le brouillard du soir, il écoute les sons de la harpe de Carril. Viens, jeune briseur de boucliers, viens porter la joie à ce vieillard ! »

« Le vaincu peut-il porter la joie ? Ossian, je n’ai plus mon bouclier ; il repose brisé sur la plaine ! l’aile d’aigle de mon casque est déchirée. C’est quand l’ennemi fuit devant eux qu’un père se réjouit dans ses fils. Mais il soupire tout bas quand leurs jeunes guerriers sont vaincus, Non ! Fillan ne verra point le roi ! Pourquoi ce héros gémirait-il ? »

« Fils de Clatho aux yeux bleus, ô Fillan, ne reveille point la douleur de mon âme ![1] N’étais-tu pas devant Fingal une flamme dévorante ? Et comment ne se réjouirait-il pas ? Une telle gloire n’appartient point à Ossian et cependant pour lui, le roi fut toujours un soleil. Avec joie il contemple mes pas et des ombres jamais ne me voilent sa face ! Monte, ô Fillan, sur la colline de Mora. Sa fête est étalée sous les voiles de ces brouillards. »

« Ossian, donne-moi ce bouclier brisé et ces plumes dispersées par les vents ; place-les auprès de Fillan afin qu’il perde moins de sa gloire. Ossian, je commence à défaillir. Pose-moi dans la caverne de ce rocher. Sur moi n’élève aucune pierre de crainte qu’on ne s’informe de ma renommée. Je suis tombé dans la première de mes batailles, et je suis tombé sans gloire ! Que ta voix seule réjouisse mon âme errante. Pourquoi les bardes sauraient-ils où repose le rayon éclipsé de Clatho ? »

« Ton âme s’est envolée sur les tourbillons des vents, ô Fillan, jeune briseur de boucliers ! Que la joie suive mon héros dans les plis de ses nuages. Les ombres de tes pères, ô Fillan, se penchent pour recevoir leur fils. Je vois sur le Mora s’étendre leurs

  1. En lui rappelant le souvenir de son fils Oscar.