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quand il voit les chevreuils sortir sur la verte plaine de Lutha !

Les voilà qui s’avancent et combattent ! La mort élève ses cent voix ! Les rois, de chaque côté, enflammaient les âmes de leurs guerriers. Je m’élance dans la plaine. Des rochers escarpés et de grands arbres s’élevaient entre la bataille et moi. Mais j’entendais le bruit du fer au milieu du cliquetis de mes armes. Je monte, rayonnant, sur la colline, et je vois l’une de l’autre reculer les armées. Elles reculent et se lancent de farouches regards. Les deux rois aux boucliers bleus étaient engagés dans une lutte terrible ! Sombres et majestueux, à travers les éclairs de l’acier, on voyait combattre les héros ! Mes craintes pour Fillan passent brûlantes à travers mon âme, je m’élance, j’arrive. Cathmor ne recule point ; il n’avance point ; mais il fait quelques pas de côté ! Froid et majestueux il ressemblait à un rocher de glace. Je rappelle tout mon courage. Nous nous avançons en silence, chacun de notre côté du torrent, puis, nous retournant tout à coup, nous levons en même temps nos lances acérées ! Nous levons nos lances, mais la nuit descend. Il fait nuit et silence partout, excepté sur la bruyère où retentissent les pas des armées qui s’éloignent !

J’arrive à l’endroit où Fillan a combattu. Nulle voix, nul son ne s’y faisait entendre : un casque brisé, un bouclier fendu en deux reposent sur la terre. Où es-tu Fillan, où es-tu jeune chef de Morven ? Appuyé contre un rocher qui penche sa tête grise sur le torrent, il m’entend : il m’entend, mais il reste morne et sombre. Enfin, j’aperçus le héros !

« Pourquoi restes-tu ainsi enveloppé dans les ténèbres, ô fils des forêts de Selma ? Brillant, ô mon frère, est le chemin que tu t’es frayé dans cette plaine obscure ! Longue a été ta lutte dans la bataille, mais à présent résonne le cor de Fingal.