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mélodieux de Carril. Rayonnant dans mon âme qui grandit je prends la lance de Témora. Je vois sur Moi-lena les bonds sauvages de la bataille ; la lutte de la mort dans les rangs étincelants, rompus et brisés de toutes parts. Fillan est un rayon de flamme et d’aile en aile s’étend sa course dévastatrice. Les rangs de la guerre se fondent devant lui et se dissipent comme la fumée dans la plaine !

Mais Cathmor s’avance dans l’armure des rois ! Une aile d’aigle flotte sombrement sur son casque de feu. Il marche insoucieux et calme, comme s’il allait à la chasse dans Érin. De temps en temps il élève sa voix terrible. Ses guerriers confus se rallient autour de lui ; comme un torrent, leurs âmes reviennent et ils s’étonnent des pas de leur terreur. Cathmor se lève devant eux, comme le rayon du matin sur la bruvère hantée par les esprits : le voyageur se retourne et regarde en baissant les yeux la plaine des fantômes. Soudain, du rocher de Moi-lena, Sul-malla descend à pas tremblants. Un chêne fait tomber de sa main la lance qu’elle tenait inclinée ; car ses yeux alors, du milieu de ses boucles flottantes, étaient tournés vers le roi ! Ce n’est point une lutte innocente que tu vois devant toi ! Ce n’est point la joute légère des arcs, à laquelle se livrait, sous les yeux de Conmor, la jeunesse d’Inis-huna !

Comme le rocher de Runo qui arrête à leur passage les rapides nuées et semble, dans les ténèbres amoncelées, grandir sur l’humide bruyère ; ainsi le chef d’Atha paraît plus grand au milieu des guerriers qui se pressent autour de lui. Les paroles de Cathmor font avancer ses guerriers de toutes parts, comme les souffles de plusieurs vents chassent devant eux les vagues bleues de la mer. Fillan, sur sa colline, n’est point silencieux ; il mêle ses paroles au bruit de son bouclier. Il semblait un aigle aux ailes bruyantes, appelant les vents à son rocher