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min, semblable à quelque noir vaisseau sur les vagues d’hiver, lorsqu’il s’élance d’entre deux îles pour bondir sur le vaste Océan.

Dermid contemple sa course avec fureur ; il tâche de s’élancer vers lui, mais il s’affaisse au milieu de ses pas et de larges larmes coulent de ses yeux. Il fait résonner le cor de son père ; trois fois il frappe son bouclier, trois fois il défie Foldath et l’appelle du sein de ses tribus rugissantes. Foldath voit le chef avec joie et lève dans l’air sa lance ensanglantée. Semblable à un rocher où sont restées les traces des torrents fangeux qui ont roulé sur ses flancs pendant un orage, le sombre chef de Moma est tout souillé du sang qui a rejailli sur lui. Les armées, de chaque côté, s’écartent de la lutte des rois. Ils lèvent en même temps leurs lances étincelantes. Impétueux, arrive Fillan de Selma. Foldath recule de trois pas en arrière, ébloui par ce rayon de lumière qui semble sortir d’un nuage pour sauver le héros blessé ; se recueillant dans son orgueil, il s’arrête et rassemble toutes ses forces.

Comme deux aigles aux vastes ailes se rencontrent au milieu des vents dans une lutte effrénée, tels, sur Moi-lena, les deux chefs s’élancent dans un combat horrible. Tour à tour les deux rois[1] s’avancent sur leurs rochers, car la guerre ténébreuse va bientôt descendre sur leurs épées. Cathmor, sur sa verte colline, ressent la joie des guerriers ; leur joie secrète, quand les dangers s’élèvent pour atteindre à leurs âmes. Son œil n’est point tourné vers le Lubar, mais sur le terrible roi de Selma qu’il voit, se levant dans ses armes, sur le sommet du Mora.

Foldath tombe sur son bouclier : la lance de Fillan a percé le roi. Ce jeune héros ne regarde pas le vaincu, mais poursuit sa course à travers la ba-

  1. Fingal et Cathmor.