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aussi levé la lance. Nous n’étions pas faibles à ta suite, mais l’ennemi était puissant. »

Cathmor remarqua la colère croissante et l’attitude hostile des deux chefs : à demi tirées, ils tenaient leurs épées et roulaient des yeux silencieux. Bientôt ils se fussent engagés dans une lutte horrible, si n’eût éclaté le courroux de Cathmor. Il tira son épée : elle brilla dans la nuit à la clarté du chêne enflammé. « Fils de l’orgueil, s’écria le roi, calmez vos âmes irritées ! Retirez-vous dans la nuit. Pourquoi réveiller ma colère ? Me faudra-t-il vous combattre tous deux ? Ce n’est point ici le temps des querelles ! Retirez-vous de ma fête, soudures nuages ! N’irritez plus mon âme ! »

De chaque côté, ils disparaissent de la présence du roi, tels que deux colonnes de brouillard, quand le soleil se lève entre elles, du sein de ses rochers élincelants : sombres, elles roulent des deux côtés, chacune vers son étang que couvrent les roseaux.

Les chefs se sont assis en silence à la fête. De temps à autre ils regardaient le roi d’Atha, qui se promenait sur le rocher et calmait l’agitation de son âme. Les guerriers se couchent au loin dans la plaine ; le sommeil descend sur Moi-lena. La voix de Fonar s’élève seule, sous un arbre éloigné : elle s’élève à la louange de Cathmor, fils de Larthon du Lumon. Mais Cathmor n’écoutait point ses éloges : il se couche près du rugissement d’un torrent, et les brises de la nuit sifflent dans ses cheveux.

Son frère, à demi voilé dans les plis traînants de son nuage, lui apparut en songe. Une joie sombre éclairait son visage. Il avait entendu le chant de Carril[1] : les vents soutenaient le nuage obscur qu’il avait saisi dans le sein de la nuit, lorsqu’il monta avec sa gloire vers son palais aérien. Il laisse

  1. L’élégie funèbre chantée sur la tombe de Cairbar.