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Réveille le roi sur la bruyère, de crainte que sa gloire ne s’envole à jamais. » Je m’avançai dans tout le bruit de mes armes ; d’un seul bond je franchis le torrent qui, devant le roi d’Atha, serpentait sombrement dans la plaine. Le roi de la verdoyante Atha vint à ma rencontre, la lance levée. Nous nous serions alors engagés dans une lutte horrible, semblables à deux fantômes hostiles qui, penchés sur deux nuages, déchaînent les vents rugissants, si, levant les yeux, Ossian n’eût reconnu le casque des rois d’Érin. Une aile d’aigle le surmontait et se balançait avec bruit dans la brise ; une étoile rouge brillait entre les plumes. Je retins ma lance déjà levée.

« Le casque des rois est devant moi ! Qui es-tu, fils de la nuit ? la lance d’Ossian sera-t-elle célèbre quand elle t’aura renversé ? » À ces mots il laissa tomber sa lance étincelante ; sa forme, devant moi, paraissait s’agrandir. Il étendit sa main dans la nuit et m’adressa des paroles de roi.

« Ami des ombres des héros, est-ce toi que je rencontre ainsi dans les ténèbres ? J’ai souhaité, dans Atha, tes pas majestueux aux jours de notre joie ; pourquoi ma lance se lèverait-elle maintenant ? Ossian, il faut que le soleil nous contemple lorsque nous combattrons, étincelants sous nos armes. Les guerriers futurs remarqueront la place du combat et penseront, en frémissant, aux années qui ne sont plus ; ils remarqueront ce lieu ; et, comme celui que fréquentent les ombres, il sera agréable et terrible à l’âme. »

« Sera-t-il donc oublié, lui dis-je, l’endroit où nous nous sommes rencontrés en paix ? Le souvenir des batailles est-il toujours agréable à l’âme ? Ne voyons-nous pas avec joie la place où nos pères ont donné des fêtes, tandis que nos yeux se remplissent de larmes sur les champs de leurs guerres ? Cette