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dent, et ma fête est préparée dans la salle des rois. »

J’écoutais Cormac en silence. Mes larmes commençaient à couler ; je les cachais avec mes cheveux blancs. Le roi s’aperçut de ma douleur, « Fils de Connachar, me dit-il, le fils de Semo est-il tombé ? Pourquoi ces soupirs qui s’échappent en secret ? Pourquoi tes larmes coulent-elles ? Torlath, le chef des chars, vient-il ? Entends-tu la marche de Cairbar aux cheveux roux ? Ils viennent !… Je le vois à ta douleur ! Le chef de Tura n’est plus ! Ne volerai-je pas au combat ?… Mais je ne puis lever la lance ! Oh ! si mon bras avait la force de Cuthullin, Cairbair, serait bientôt en fuite ; la renommée de mes pères serait renouvelée ainsi que les hauts faits des siècles passés ! »

Il prend son arc ; des larmes coulent de ses yeux étincelants. La tristesse augmente autour de lui. Les cent bardes se penchent en avant sur leurs harpes ; le vent seul en touche les cordes tremblantes, elles rendent un son lugubre et sourd[1]. Une voix se fit entendre dans l’éloignement ; telle celle d’un homme plongé dans la douleur. C’était Carril des temps anciens, qui venait de la sombre Slimora. Il raconta la mort de Cuthullin ; il raconta ses glorieuses actions. L’armée était éparse autour de son tombeau ; les guerriers avaient posé leurs armes sur la terre ; ils avaient oublié la guerre, car ils ne voyaient plus celui qui fut leur père !

« Mais, dit Carril à la voix douce, quels sont ceux qui s’avancent comme des cerfs bondissants ? Leur stature est semblable à celle des jeunes arbres de la

  1. C’est le son prophétique, dont il est fait mention dans plusieurs autres poèmes ; son que la harpe des bardes rendait d’elle-même avant la mort d’un personnage illustre.