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sous sa course enflammée. La lance de Colla volait autour de lui. Il se rappelait les combats de sa jeunesse. Mais une flèche vient en sifflant, elle perce le flanc du héros ! Il tombe sur son bouclier : mon âme tressaille d’épouvante ; j’étends sur lui mon bouclier et mon sein se découvre. Cairbar accourait avec sa lance. Il voit la vierge de Selama ; la joie brille sur son visage sombre et il retient son glaive déjà levé. Il fit élever la tombe de Colla et m’amena, pleurante, à Selama. Il me dit les paroles de l’amour, mais mon âme était triste. Je voyais les boucliers de mes pères et l’épée de Truthil. Je voyais les armes des morts et les pleurs élaient sur mes joues. Tu vins alors, ô Nathos, et le sombre Cairbar s’enfuit. Il s’enfuit comme le fantôme du désert devant le rayon du matin. Son armée était loin de lui et faillie était son bras contre ton glaive !… Mais pourquoi es-tu triste, ô Nathos, disait la fille charmante de Colla ?[1] »

« Dès ma jeunesse, répondit le héros, j’ai affronté les combats. Mon bras ne pouvait encore porter la lance quand le danger se leva devant moi pour la première fois. Mon âme brillait en présence de la guerre, comme une étroite et verdoyante vallée où le soleil verse à flots ses rayons avant de cacher sa tête dans un orage : le voyageur solitaire ressent une joie triste et voit les ténèbres s’avancer lentement. Mon âme avait déjà brillé dans les dangers quand je vis la beauté de Selama ; quand je te vis, semblable à l’étoile qui brille la nuit sur la colline. Mais un nuage s’avance ; il menace la charmante lumière ! Nous sommes sur la terre des ennemis. Les vents nous ont trompés, ô Dar-thula, et loin de nous sont les forces de nos amis et les montagnes d’Étha !

  1. Ossian répète souvent à la fin d’un épisode la phrase par laquelle il l’a commencé. — Note du traducteur.