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leurs hauts faits alors qu’ils étaient seuls ! Car l’âme grandit dans les dangers ! »

« Fils de Morni, répliquai-je, et je marchais devant lui sur la bruyère, nos pères loueront notre valeur quand ils pleureront notre chute. Un rayon de joie se lèvera sur leurs âmes, lorsque leurs yeux se rempliront de larmes. Ils diront : « Nos fils ne sont point tombes inconnus ; ils ont semé la mort autour d’eux. » Mais pourquoi penser à l’étroite demeure ? L’épée défend le brave : la mort poursuit le faible dans sa fuite et son nom meurt avec lui ! »

Nous nous précipitons à travers la nuit et nous arrivons près d’un torrent écumant qui, autour de l’ennemi, dirigeait sa course bleue à travers les arbres dont l’écho répétait son murmure. Nous arrivons sur ses bords et nous voyons l’armée endormie. Leurs feux s’étaient éteints sur la plaine ; les pas solitaires des sentinelles s’étaient éloignés. J’étendis ma lance devant moi pour soutenir mes pas et franchir le torrent ; mais Gaul me prit la main et m’adressa les paroles du brave : « Le fils de Fingal fondra-t-il sur un ennemi qui dort ? Viendra-t-il pendant la nuit comme le vent impétueux qui déracine en secret les jeunes arbres ? Ce n’est point ainsi que Fingal a conquis sa renommée. Ce n’est point pour de telles actions que la gloire repose sur les cheveux blancs de Morni. Frappe, Ossian, frappe ton bouclier. Qu’ils se réveillent ces mille guerriers ! Qu’ils viennent attaquer Gaul dans sa première bataille, pour qu’il essaie sur eux la force de son bras ! »

« Mon âme se réjouit des paroles du guerrier et des larmes jaillirent de mes yeux. « Et l’ennemi viendra à ta rencontre, ô Gaul, m’écriai-je ; du fils de Morni la gloire va s’élever ! Mais ne t’élance pas trop avant, ô mon héros ! que l’éclair de ton épée soit toujours près d’Ossian ; que nos mains s’unissent dans le carnage. Gaul, ne vois-tu pas ce ro-