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du Cromla souffle sur mes yeux et je ne distingue pas mon ami. »

« Fingal, répondit le jeune guerrier, c’est le fils de Semo ! le héros est triste et sombre ; sa main est sur son épée. Salut au fils des batailles, salut au briseur de boucliers ! » — « Salut à toi, répondit Cuthullin, salut à tous les enfants de Morven ! Agréable est ta présence, ô Fingal ! C’est le soleil sur le Cromla, quand le chasseur, qui toute une saison a pleuré son absence, le revoit entre les nuages. Tes fils sont comme des étoiles qui accompagnent ta course ; dans la nuit ils répandent la lumière. Ce n’est point ainsi que tu m’as vu, ô Fingal, revenant des guerres de ton pays, quand les rois du monde avaient fui et que la joie revenait sur la colline des biches ! »

« Nombreuses sont tes paroles, ô Cuthullin, dit Conan à l’obscure renommée ; tes paroles sont nombreuses, fils de Semo ; mais où sont tes hauts faits dans les armes ? Pourquoi sommes-nous venus sur l’Océan pour aider ta faible épée ? Tu fuis à ta caverne de douleur et c’est Conan qui combat tes batailles. Donne-moi ces armes de lumière ; cède-les moi, chef d’Érin ! »

« Jamais, reprit le chef, jamais héros n’a prétendu aux armes de Cuthullin ! Et quand mille héros l’eussent osé, ils l’eussent osé en vain, ô jeune et farouche guerrier ! Je n’ai fui à la caverne de douleur que lorsque Érin eut succombé aux bords de ses torrents. »

Conan, dit Fingal, jeune homme au bras débile, cesse tes discours ! Cuthullin est renommé dans les combats ; il est terrible dans le monde. Oui, chef impétueux d’Inis-fail, j’ai souvent entendu vanter ta gloire. Maintenant, déploie tes blanches voiles vers l’île des brouillards. Vois Bragela appuyée sur son rocher : ses doux yeux sont en larmes et les vents soulèvent