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bats sur tous les rivages. Son âme se réjouissait dans le sang, son oreille dans le fracas des armes. Il répandit ses guerriers sur Craca. Le roi de Craca, pour venir à sa rencontre, sortit de la forêt où il parlait alors, dans le cercle de Brumo, à la pierre du pouvoir[1]. Terrible fut la lutte des héros, pour la jeune fille à la poitrine de neige ! La renommée de la fille de Craca était parvenue jusqu’à Grumal, près des torrents de Cona. Il jura de posséder la jeune fille aux seins blancs ou de mourir sur la terre de Craca. Trois jours ils luttèrent ensemble, et le quatrième, Grumal fut vaincu et enchaîné. On le plaça, loin de ses amis, dans l’horrible cercle de Brumo, où souvent l’on dit que les fantômes des morts hurlaient autour de la pierre redoutable. Mais il brilla bientôt, comme une colonne de lumière céleste. Ses ennemis tombèrent sous sa puissante main, et Grumal reconquit toute sa gloire !

« Élevez, bardes des anciens temps, continua le grand Fingal, élevez bien haut la louange des héros, pour que mon âme se calme au récit de leur gloire, et que l’esprit de Swaran cesse enfin d’être triste. » Swaran et Fingal se couchent sur la bruyère de Mora : les vents de la nuit soufflent sur les deux chefs. Cent voix s’élèvent en même temps ; cent harpes sont accordées ; elles chantent les jours passés, les chefs puissants des années écoulées.

Quand donc entendrai-je le barde ? quand donc me réjouirai-je de la gloire de mes pères ? La harpe ne vibre plus dans Morven ; la voix de la musique ne s’élève plus sur Cona. Le barde est mort avec les héros. Il n’est plus de gloire au désert !

Les rayons du matin tremblent à l’Orient ; ils scin-

  1. Allusion à la religion du roi de Craca. Par la pierre du pouvoir, le barde entend l’image de quelque divinité ; et par le cercle de Brumo, l’enceinte de pierre où on l’adorait.