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âme, ô triste habitante de la solitaire Ardven ! »

Cuthullin, de la caverne de Cromla, entendit la bruit du combat. Il appela Carril des temps passés et Connal, le chef des épées. Ces héros en cheveux blancs entenflent sa voix et saisissent leurs lances aiguës. Ils s’avancent et voient les flots de la bataille, comme les vagues pressées de l’Océan, quand les vents orageux soufflent de l’abîme et roulent les lames à travers les vallées sablonneuses. Cuthullin s’enflamme à cette vue : les ténèbres s’amassent sur son front. Sa main est sur l’épée de ses pères, et ses yeux enflammés roulent sur l’ennemi. Trois fois il veut s’élancer au combat, trois fois il est retenu par Connal. « Chef de l’île des brouillards, lui dit-il, Fingal renverse fennemi. Ne cherche point une part dans la gloire du roi ; il est à lui seul puissant comme la tempête ! »

« Hé bien, Carril, répondit le chef, va féliciter le roi de Morven. Quand Lochlin aura passé, comme un torrent après la pluie ; quand le bruit du combat aura cessé, que ta douce voix chante à ses oreilles les louanges du roi de Selma ! Donne-lui l’épée de Caithbat ; car Cuthullin n’est pas digne de porter les armes de ses pères ! Venez, ô fantômes du solitaire Cromla ! âmes des chefs qui ne sont plus, venez et entourez les pas de Cuthullin ! Parlez-lui dans la caverne, refuge de sa douleur ! Jamais plus je ne serai renommé parmi les puissants de ma terre. Je suis un rayon qui a brillé ; un brouillard qui s’est évanoui, quand les brises du matin sont venues éclaircir les flancs brumeux de la colline. Connal, ne me parle plus d’armes ! Ma gloire s’en est allée. Mes soupirs seront sur les vents du Cromla, jusqu’à ce qu’on cesse de voir la trace de mes pas. Et toi, Bragéla aux seins blancs, gémit sur la chute de ma gloire : vaincu, jamais je ne retournarai vers toi, ô doux rayon de mon âme »