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nuit poussent des cris aigus et j’ai vu les météores de la mort ! Laisse-moi réveiller le roi de Morven, lui qui sourit au danger ; lui qui ressemble au fils du ciel, se levant au milieu de la tempête. »

Fingal s’était subitement éveillé d’un songe ; il s’appuyait sur le bouclier de Trenmor, ce bouclier bruni que ses pères ont levé dans les guerres du passé. Ce héros avait vu dans son sommeil l’ombre affligée d’Agandecca. Elle venait des plaines de l’Océan et, solitaire, s’avançait à pas lents sur Lena. Son visage était pâle comme le brouillard du Cromla, et ses joues étaient pleines de larmes. Souvent, de sa robe formée des nuages du désert, elle levait sa main obscure : elle l’etendait sur Fingal et, en silence, elle détournait les yeux. « Pourquoi pleure-t-elle, la fille de Starno ? dit Fingal en soupirant ; pourquoi ton visage est-il si pale, ô toi qui erres au milieu des nuages ? » Elle s’éloigne sur la brise de Lena et laisse Fingal au milieu de la nuit. Elle pleurait sur les fils de son peuple qui allaient périr de la main de Fingal.

Le héros s’éveille en tressaillant : dans son ame il la revoit encore. Le bruit des pas d’Oscar approche. Le roi, sur son flanc, aperçoit son bouclier ; car le faible rayon du matin descendait déjà sur les vagues d’Ullin. « Dans leur fraveur, que font les ennemis ? dit, en se levant, le roi de Morven. Fuient-ils à travers l’écume de l’Océan, ou attendent-ils la bataille des lances ? Mais pourquoi le demander ? Fingal entend leur voix dans la brise du matin ! Vole, Oscar, sur la bruyère de Lena et réveille nos amis ! »

Le roi se tenait debout près de la roche du Lubar. Trois fois il éleva sa voix terrible. Le cerf tressaille et fuit des sources du Cromla et les rochers tremblent sur leurs collines. Comme le bruit de cent torrents de montagne, qui s’élancent, qui rugissent et bouillonnent ; comme les nuages qui s’amassent