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lance. Affaibli est le bras du guerrier ; mais pleine de force est l’âme du héros ! — « Tu es le bienvenu, fils de Matha ! lui dit Connal ; tu es le bienvenu au milieu de tes amis ! Mais pourquoi ce soupir étouffé échappe-t-il au guerrier qui n’a jamais connu la crainte ? — Et qui ne la connaîtra jamais, Connal, chef à la lance aiguë ! Mon âme brille dans le danger et dans le bruit des armes. Je suis de la race des braves, et mes pères n’ont jamais connu la crainte.

« Cormar fut le premier de ma race. Il se jouait au milieu des tempêtes de la mer. Son noir esquif bondissait sur l’Océan : il voyageait sur les ailes du vent. Une fois, un esprit troubla la nuit. Les mers s’enflent, les rochers retentissent et les vents chassent devant eux les nuages. Les éclairs volent sur des ailes de feu. Il eut peur et revint au rivage ; mais aussitôt il rougit de sa frayeur. Il se précipite de nouveau au milieu des vagues, pour chercher l’Esprit des vents. Trois jeunes hommes guident la barque bondissante ; il est debout, l’épée nue. Quand passa près de lui la vapeur abaissée, il la saisit par sa tête crépue, et de son épée, il laboura ses flancs ténébreux. L’Esprit des vents abandonna les airs : la lune et les étoiles reparurent. Telle était la hardiesse de ma race. Calmar ressemble à ses pères. Le danger fuit devant un glaive levé. Qui ose, réussit !

« Mais vous, maintenant, enfants de la verte Érin, retirez-vous de la plaine sanglante de Lena. Rassemblez les tristes restes de nos amis, et rejoignez le glaive de Fingal. J’ai entendu le bruit des armes de Lochlin qui s’avance. Calmar restera pour combattre. Ma voix, ô mes amis, sera aussi puissante que si des milliers de héros se tenaient derrière moi. Mais souviens-toi de moi, fils de Semo ; souviens-toi du corps inanimé de Calmar. Quand Fingal aura dévasté le champ de bataille, place-moi sous quelque