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distance, sans une feuille à secouer à la brise !

Cuthullin était debout près d’un chêne. Il roulait en silence ses yeux enflammés et écoutait le vent dans son épaisse chevelure : la sentinelle de l’océan arrive, Moran, fils de Fithil. « Les vaisseaux, s’écria-t-il, les vaisseaux des îles solitaires ! Voici Fingal, le premier des hommes, le fléau des boucliers ! Les vagues écument devant ses noirs vaisseaux ! Ses mâts avec leurs voiles sont comme des forêts dans les nuages ! »

Soufflez, dit Cuthullin, soufflez, ò vents qui régnez autour de mon île de brouillards. Viens, pour la mort de mille ennemis, ô roi de la retentissante Selma. Tes voiles, mon ami, sont pour moi les nuages du matin ; tes vaisseaux la lumière du ciel ; et toi-même une colonne de feu qui la nuit brille sur le monde. Ô Connal, premier des hommes, combien dans la tristesse nos amis sont les bien-venus ! Mais la nuit s’épaissit autour de nous. Où sont maintenant les vaisseaux de Fingal ? Passons ici les heures des ténèbres et hâtons par nos vœux le lever de la lune. »

Les vents descendent sur les bois. Les torrents tombent des rochers ; la pluie s’amasse sur la tête du Cromla. Les rouges étoiles tremblent entre les nuages fugitifs. Triste, sur le bord d’un ruisseau dont le murmure est répété par un arbre, triste, sur le bord d’un ruisseau est assis le chef d’Érin. Connal, fils de Colgar, est près de lui avec Carril des temps passés. « Malheureuse est la main de Cuthullin, dit le fils de Sémo, malheureuse est la main de Cuthullin depuis qu’il a tué son ami ! Ferda, fils de Damman, je t’aimais comme moi-même ! » Comment, Cuthullin, fils de Sémo, comment tomba celui qui brisait les boucliers ? Je me souviens, dit Connal, du fils de Damman : grand et gracieux, il était comme arc pluvieux du ciel. »