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ses ! » — « En paroles je le cède à plusieurs, Morla : Mon épée ne cédera jamais à personne ! Érin reconnaîtra l’empire de Cormac tant que vivront Connal et Cuthullin ! »

« Connal, ô le premier des hommes puissants, tu entends les paroles de Morla ! Tes pensées seront-elles encore pour la paix, ô toi qui brises les boucliers ? Ombre de Crugal, pourquoi nous as-tu menacés de la mort ? L’étroite demeure me recevra au milieu de la lumière de la gloire. Lenez, fils d’Érin, levez la lance et tendez l’arc ; sur l’ennemi, fondez dans les ténèbres, comme les esprits des nuits orageuses ! »

Alors, terrible et rugissante, impétueuse et profonde, la bataille verse ses ténèbres, comme les nuées qui roulent sur la vallée, quand les orages envahissent la tranquille lumière du ciel. Cuthullin, dans ses armes, marche devant eux, comme un fantôme irrité devant un nuage, quand les météores l’environnent de feu et qu’il tient dans sa main les vents de la tempête. Carril fait retentir au loin le cor de la bataille : il réveille la voix des chants et verse son âme dans les âmes des braves.

« Où, disait la bouche mélodieuse, où est Crugal tombé dans la mêlée ? Il gît oublié sur la terre ; la salle[1] des coupes est silencieuse. Triste est l’époux de Grugal. Elle est étrangère dans le palais de sa douleur. Mais quelle est cette beauté qui, comme un rayon de soleil, fuit devant les rangs de l’ennemi ? C’est Dégréna, la belle et gracieuse épouse de Crugal. Sa chevelure derrière elle, flotte sur le vent ; son œil est rouge de pleurs, sa voix perçante. Pâle

  1. Les anciens Scots buvaient dans de grandes coquilles. De là les expressions de : « chef des coquilles, salle des coquilles » ; que nous traduisons par : « chef des coupes, salle des coupes. »