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était Grudar sur la colline ! Les bardes conservèrent leurs noms et les enverront aux siècles à venir ! »

« Agréable est ta voix, ô Carril, dit le fils aux yeux bleus d’Érin. Douces sont les paroles des temps passés. Elles sont comme l’ondée calme du printemps ; quand le soleil regarde sur la plaine et que le nuage léger vole sur les collines. Oh ! frappe la harpe à la louange de mon amour, le rayon solitaire de Dunscaith ! frappe la harpe à la louange de Bragéla, de celle que j’ai laissée dans l’île des Brouillards, l’épouse du fils de Sémo. Lèves-tu ta blonde figure au-dessus du rocher pour découvrir les voiles de Cuthullin ? La mer roule à distance, et tu prends sa blanche écume pour les voiles de mes vaisseaux. Retire-toi, mon amour, car il est nuit ; les vents nocturnes gémissent dans tes cheveux. Retire-toi au palais de mes fêtes et rêve aux temps passés. Je ne reviendrai pas que l’orage de la guerre ne soit dissipé. Ô Connal, parle-moi d’armes et de combats, et bannis-la de ma pensée ! Gracieuse, sous sa flottante chevelure, est la blanche fille de Sorglan. »

Connal, lent à parler, répondit : « Défie-toi de la race de l’Océan. Envoie ta troupe de nuit surveiller dans la plaine, les forces de Swaran. Guthullin, je suis pour la paix, jusqu’à l’arrivée des enfants de Selma, jusqu’à ce que Fingal, le premier des hommes, vienne, et comme le soleil, rayonne sur nos plaines ! » Le héros frappa le bouclier d’alarmes ; les guerriers de la nuit se mirent en marche. Le reste se coucha sur la bruyère du chevreuil et dormit sous la brise nocturne. Les ombres[1] des héros récemment décédés, erraient près d’eux et nageaient sur leurs nuages ténébreux : à distance, dans le

  1. Les anciens Écossais ont cru longtemps qu’un fantôme faisait entendre des gémissements près de l’endroit où bientôt après devait arriver une mort.