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chef de l’île des brouillards[1] ! nombreuses furent les victimes de ton bras, ô Cuthullin, fils de Sémo ! Son ëpée était comme le trait du ciel qui frappe les enfants de la vallée, quand les hommes tombent consumés et que toutes les collines s’embrasent à l’entour. Dusronnal hennissait sur les corps des héros ; Sifadda baignait ses pieds dans le sang. Le champ de bataille s’étendait derrière, comme les forêts renversées sur le désert du Cromla, quand l’ouragan a passé sur la bruyère, chargé des esprits de la nuit !

Pleure sur les rochers des vents orageux, ô fille d’Inistore ! Incline ta tête blonde sur les vagues, ô toi, plus belle que l’esprit des collines, lorsqu’à midi, dans un rayon de soleil, il glisse sur le silence de Morven ! Il est tombé ! Ton jeune amant est tombé, pâle, sous lepée de Cuthullin. La valeur n’élèvera plus ton amour à rivaliser le sang des rois. Trenar, le majestueux Trenar est mort, ô fille d’Inistore ! Ses chiens hurlent dans sa demeure, en voyant passer son ombre : son arc est détendu dans son palais ; le silence règne au vert asile de ses chevreuils.

Comme mille vagues roulent contre un rocher, ainsi s’avance l’armée de Swaran ; comme un rocher affronte mille vagues, ainsi Érin affronte les lances de Swaran. La mort élève toutes ses voix à l’entour et les mêle aux sons des boucliers. Chaque héros est une colonne de ténèbres ; l’épée, un rayon de feu dans ses mains. L’écho de la plaine répond d’aile en aile, comme cent marteaux qui s’élèvent tour à tour sur le rouge enfant de la fournaise. Quels sont, sur la bruyère de Lena, ces guerriers si sombres et

  1. L’île du Ciel, nommée avec raison l’île des brouillards ; car les hautes montagnes arrêtent les nuages de l’Océan occidental et occasionnent des pluies presque continuelles.