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bés les fils de ta jeunesse ? Le sanglier sauvage passe sur leurs tombes, mais il ne trouble point leur repos. Ils poursuivent des cerfs de nuage et bandent leur arc aérien. Ils aiment encore les jeux de leur jeunesse et montent avec joie sur les vents. »

« Cormalo, reprit le roi, est le chef de dix mille lances. Il demeure près des ondes du Lano[1], qui exhale les vapeurs de la mort. Il vint au palais de Runa, et rechercha l’honneur de la lance[2]. Ce jeune homme était beau comme le premier rayon du soleil ; peu de guerriers pouvaient, dans le combat, se mesurer avec lui. Mes héros lui cédèrent et ma fille s’éprit d’amour pour lui. Argon et Huro revinrent de la chasse : ils versèrent des larmes d’orgueil. Ils roulaient des yeux silencieux sur les héros de Runa, qui avaient cédé à un étranger. Dans les festins ils passèrent trois jours avec Cormalo : le quatrième, Argon combattit. Mais qui pouvait combattre contre Argon ? Cormalo fut vaincu. Son cœur s’emplit des douleurs de l’orgueil ; il résolut en secret de voir la mort de mes fils. Ils allèrent sur les collines de Runa ; ils poursuivirent les biches fauves. La flèche de Cormalo vole secrètement : mes fils tombent dans leur sang. Il revint vers la vierge de son amour, vers la fille aux longs cheveux d’Inisthona. Ils s’enfuirent sur le désert et Annir resta seul. La nuit vint, le jour parut ; mais d’Argon ni de Ruro la voix ne revint pas ! Enfin parut leur chien bien aimé, le léger et bondissant Runar. Il entre dans le palais, il hurle et semble tourner ses yeux vers l’endroit où ils sont tombés. Nous le suivîmes : nous les trouvâmes ici : nous les enterrâmes près de cette

  1. Lano était un lac de Scandinavie, célèbre du temps d’Ossian, par les vapeurs empestées qui s’en exhalaient en automne.
  2. Par « l’honneur de la lance », on veut parler du tournoi, en usage chez les anciens peuples du nord.