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tent les rochers couverts d’algues : la force de l’Ocean mugit. Mon fils, du sein des flots, aperçut la terre des forêts. Il entra dans la baie retentissante de Runa et envoya son épée à Annir des lances. Dès qu’il volt l’épée de Fingal, le héros en cheveux blancs se lève, ses yeux se remplissent de larmes ; il se rappelle les combats de sa jeunesse. Fingal et lui levèrent deux fois la lance devant la belle Agandecca. Les héros se tenaient à distance, comme si deux esprits luttaient dans les vents.

« Mais maintenant, dit Annir, je suis vieux ; mon épée repose oisive dans mon palais. Ô toi qui es de la race de Morven, Annir aussi a vu la bataille des lances ; mais maintenant il est pale et flétri comme le chêne de Lano. Je n’ai pas de fils pour aller avec joie à ta rencontre et te conduire au palais de ses pères. Argon est pâle dans la tombe et Ruro n’est plus. Ma fille est dans le palais des étrangers ; il lui tarde de regarder ma tombe. Son époux agite dix mille lances ; nuage de mort, il s’avance de Lano. Fils de Morven, viens partager le festin d’Annie ! »

Ils passèrent ensemble troisjours dans les festins ; le quatrième Annir apprit le nom d’Oscar. Ils se réjouirent dans la coupe[1]. Ils poursuivirent les sangliers de Runa. Près de la sources des roches moussues, les héros fatigués se reposèrent. Des larmes s’échappent en secret desyeux d’Annir : il étouffe un soupir : « Ici, dit-il, reposent les fils de ma jeunesse. Cette pierre est la tombe de Ruro ; cet arbre gémit sur le tombeau d’Argon. Ô mes enfants, entendez-vous ma voix dans votre étroite demeure ? Est-ce vous qui parlez dans ces feuilles frémissantes quand se lèvent les vents du désert ? »

Roi d’Inis-thona, dit Oscar, comment sont tom-

  1. « Se réjouir dans la coupe » pour dire : assister à un festin somptueux et bore largement. (Note de Marpherson.)