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CATHLIN DE CLUTHA

se retira sur sa colline des Fantômes, afin que les esprits pussent descendre dans nos songes et nous désigner pour le combat. Nous frappons le bouclier des morts ; le bourdonnement de nos chants s’élève. Nous évoquons trois fois les ombres de nos pères et nous nous couchons dans nos rêves. À mes yeux apparut Trenmor, la forme majestueuse des années évanouies. Ses armées bleuâtres, en files à moitié effacées, étaient rangées derrière lui. On distinguait à peine dans le brouillard leur lutte et leurs attitudes menaçantes. J’écoutai ; mais aucun son ne se fit entendre. Ces formes étaient vides comme l’air.

Je m’éveillai, en tressaillant, de ce rêve de fantômes. Un vent subit siffla dans ma chevelure flottante et le départ des ombres fit gémir sourdement le chêne. Je pris mon bouclier suspendu à une branche. J’entendis le cliquetis de l’acier. C’était Oscar de Légo ; il avait vu ses pères, « Comme l’ouragan fond sur le sein des vagues blanchissantes, ainsi, sans crainte à travers l’Océan, je dirigerai ma course vers la demeure des ennemis. J’ai vu les morts, ô mon père ! Mon cœur bat avec force ! Ma gloire brille devant moi, comme un trait de lumière sur la nue, quand, rouge voyageur des cieux, le soleil agrandi sort du sein des nuages.

« Petit-fils de Branno, répondis-je, Oscar n’ira pas seul à la rencontre de l’ennemi. Je m’élancerai à travers l’Océan vers la demeure boisée des héros. Combattons, mon fils, comme deux aigles qui, d’un même rocher, lèvent leurs larges ailes contre l’impétuosité des vents. »

De Carmona nous mîmes à la voile ; et mes guerriers, voguant sur trois vaisseaux, suivaient mon bouclier sur les vagues tandis que j’observais la nocturne Ton-Thena[1], la rouge voyageuse au milieu

  1. « Ton-thena », feu de la vague. C’est l’étoile remar-