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CATHLIN DE CLUTHA

veille la voix des cordes endormies ! Réveille l’âme du barde ! C’est un torrent qu’ont tari les années ! épanche, ô Malvina, la mélodie de tes chants !

Je t’entends dans les ténèbres, tu gémis dans Selma, toi qui veilles solitaire au milieu de la nuit ! Pourquoi as-tu privé de tes chants l’âme défaillante d’Ossian ? Quand le ruisseau qui tombe de sa colline obscurcie par l’orage, roule ses murmurantes eaux à la clarté du soleil, doux est le bruit de sa chute à l’oreille du chasseur ; il l’écoute et secoue sa chevelure tout humide de rosée. Telle est la voix de Lutha, à l’ami des ombres des héros ! Mon sein gonflé de soupirs bat avec force, et je tourne les yeux vers les jours qui ne sont plus. Viens, rayon solitaire qui veilles au milieu de la nuit !

Un jour, nous vîmes bondir un vaisseau dans la baie de Carmona. Du haut du mât pendait un bouclier brisé ; il était couvert de sang. Un jeune guerrier s’avance dans ses armes, tenant à la main une lance sans pointe. Ses cheveux longs et détachés pendaient en désordre sur ses yeux pleins de larmes. Fingal lui présente la coupe des rois. L’étranger lui parle en ces termes : « Cathmol de Clutha est étendu sans vie dans son palais, près des rives sinueuses de ses propres torrents. La blanche Lanul, sa fille, a frappé les yeuxde Duth-carmor, et il a percé le flanc de Cathmol. Mes pas erraient alors dans les roseaux du désert. Il s’est enfui pendant la nuit. Aide Cathlin à venger son père ! Je ne t’ai pas cherché, comme un rayon perdu dans un pays de nuages, car tu es connu comme le soleil, ô roi de la puissante Selma ! »

Le roi regarde autour de lui. Nous nous levons en armes en sa présence. Mais qui doit parmi nous lever le bouclier ? Tous réclamaient l’honneur de combattre. La nuit descendit, et chacun en silence