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OITHONA

fille de Nuath ? Pourquoi n’ai-je pas, dans le secret, passé comme la fleur du rocher, qui lève inconnue sa tête charmante et répand ses feuilles fanées sur la brise ! Pourquoi viens-tu, ô Gaul, entendre mon dernier soupir ? Je m’évanouis dans ma jeunesse ; mon nom ne sera point prononcé, ou sera prononcé avec tristesse, et des larmes tomberont des yeux de Nuath. Tu seras triste, fils de Morni, de la gloire flétrie d’Oithona ; mais elle dormira dans la tombe étroite loin de ta voix qui la pleure !

Pourquoi vins-tu, chef de Strumon, sur ces rochers battus des flots ?

« Je suis venu pour combattre tes ennemis, fille de Nuath ! Je vois la mort descendre sur le chef de Cuthal…, ou le fils de Morni succombera ! — Oithona ! si Gaul périt, élève ma tombe sur ce rocher sauvage ! Quand tu verras passer un vaisseau bondissant, appelle les fils de la mer[1], et donne-leur cette épée : qu’ils la portent au palais de Morni. Le chef aux cheveux gris cessera dès-lors de regarder vers le désert, dans l’espoir du retour de son fils ! »

« La fille de Nuath te survivra-t-elle, répondit Oithona avec un profond soupir ? Dans Tromathon survivrai-je au fils de Morni ? Mon cœur n’est point fait de ce rocher ; mon âme n’est point insoucieuse comme cette mer qui lève ses vagues bleues à tous les vents, et roule sous la tempête ! Le souffle qui te renversera, couchera sur la terre les branches d’Oithona. Nous nous flétrirons ensemble, ô fils de Morni ! La pierre grise des morts, leur étroite demeure me plaisent : et jamais plus je ne quitterai tes rochers, ô Tromathon entourée par la mer !

La nuit descendit avec ses nuages, après le départ de Lathmon. Il était allé combattre avec son père sur les rochers moussus de Duthormoth. La nuit

  1. Les matelots.