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COLNA-DONA

lâmes au palais des Harpes. Car-ul rayonna de joie entre les boucles de sa vieillesse, quand il vit devant lui, semblables à deux jeunes rameaux, les fils de ses amis.

Fils des puissants, dit-il, vous me rappelez les jours du passé, quand pour la première fois je descendis des vagues sur la murmurante vallée de Selma. Je poursuivais Duthmocarglos, l’habitant de la mer. Nos pères avaient été ennemis. Nous combattîmes près des eaux sinueuses de Clutha. Il s’enfuit sur l’Océan, mais mes voiles étaient déployées derrière lui. La nuit, je m’égarai sur l’abîme. J’abordai à la demeure des rois, à Selma, séjour des blanches jeunes filles. Fingal sortit accompagné de ses bardes et de Conloch, le bras de la mort. Trois jours je fus fêté dans le palais et je contemplai les yeux bleus de la vierge d’Érin, de Roscrana, la fille des héros, la lumière de la race de Cormac. Je partis comblé d’honneurs ; les rois donnèrent leurs boucliers à Car-ul. Ils sont suspendus aux voûtes de mon palais en mémoire du passé. Fils des rois belliqueux, vous me rappelez les jours qui ne sont plus ! »

Car-ul alluma le chêne des fêtes. Il prit deux bosses de nos boucliers, les plaça dans la terre, sous une pierre, pour qu’elles parlassent aux descendants des héros. « Quand rugira la guerre, dit le roi, quand nos fils courroucés seront au moment de combattre, les guerriers de ma race jetteront peut-être les yeux sur cette pierre en préparant leurs lances. — Nos pères ne se sont-ils pas connus dans la paix ? — Ils diront et déposeront leurs boucliers. »

La nuit descendit. Dans sa longue chevelure s’avance la fille de Car-ul : mêlée à la harpe s’élève la voix de Colna-dona aux blanches mains. Triste à sa place, Toscar devint rêveur devant l’amour des héros. Elle passait sur son âme troublée, comme un rayon sur les houles sombres de la mer, quand il