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CARTHON

battit le puissant Fingal ! Mais Carthon meurt inconnu ; il a versé sa force sur le faible.

« Tu ne mourras point inconnu, répondit le roi de Morven ; mes bardes sont nombreux. Ô Carthon, leurs chants descendent dans les siècles futurs. Les enfants des années à venir écouteront la gloire de Carthon, quand assis autour d’un chêne embrasé, la nuit s’écoulera dans les chants du passé. Le chasseur, assis sur la bruyère, entendra siffler la brise, et levant les yeux, il verra le rocher où tomba Carthon. Il se tournera vers son fils et lui montrera l’endroit où combattirent les puissants : « Là, s’est battu le roi de Balclutha, pareil à la force de mille torrents. »

La joie brilla sur le visage de Carthon : il lève ses yeux appesantis et donne son épée à Fingal, pour qu’elle soit placée dans son palais, et que la mémoire du roi de Balclutha se conserve dans Morven. Le combat cessa sur la plaine ; le barde avait chanté l’hymne de la paix. Les chefs se rassemblent autour de Carthon expirant et écoutent ses paroles avec des soupirs. Silencieux, ils s’appuient sur leurs lances, tandis que parle le héros de Balclutha, Ses cheveux soupiraient à la brise, sa voix était triste et mourante.

« Roi de Morven, dit Carthon, je tombe au milieu de ma course. Une tombe étrangère reçoit dans sa jeunesse le dernier de la race de Reuthamir. La désolation habite dans Balclutha ; les ombres de la tristesse dans Crathmo. Mais rappelle ma mémoire sur les rives du Lora où demeuraient mes pères. L’époux de Moina pleurera peut-être sur Carthon. »

Ces paroles allèrent au cœur de Clessammor ; sans voix il tomba sur son fils. L’armée autour d’eux frémit consternée : aucune voix n’est sur la plaine. La nuit vint ; la lune, à l’Orient, regardait ce champ plein de deuil ; les guerriers immobiles res-