Page:Ossian - Œuvres complètes, 1842, trad. Lacaussade.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
46
CARTHON

voyons un navire, c’est peut-être le roi de Balclutha. Une larme jaillira de l’œil de leur mère. Ses pensées sont à celui qui repose dans Morven ! »

Telles étaient les paroles du roi, quand Ullin aborda le puissant Carthon. Il jeta sa lance devant lui et entonna le chant de la paix. « Viens à la fête de Fingal, ô Carthon, descendu de la mer ! Viens prendre part à la fête du roi, ou lève la lance de la guerre ! Les fantômes de nos ennemis sont nombreux ; mais renommés sont les amis de Morven ! Ô Carthon ! vois cette plaine où s’élève plus d’un vert monticule, avec des pierres couvertes de mousse et d’herbe bruissante, ce sont les tombes des ennemis de Fingal, les fils de l’Océan ! »

« Barde de Morven, répondit Carthon, parles-tu au faible dans les armes ? Mon visage est-il pâle de crainte, fils des chants de la paix ? Penses-tu effrayer mon âme par l’hisioire de ceux qui sont tombés ? Mon bras a combattu dans la guerre ; ma renommée est connue au loin. Va vers les faibles dans les armes et dis-leur de céder à Fingal. N’ai-je pas vu la chute de Balclutha ? Et j’irais m’asseoir aux fêtes du fils de Comhal, de Comhal, qui jeta la flamme au milieu du palais de mon père ! J’étais jeune et ne savais pourquoi pleuraient les vierges. Mes yeux se plaisaient à voir les colonnes de fumée s’élever au-dessus de mes murailles ; souvent, avec joie, j’ai regardé derrière quand mes amis fuyaient sur la colline. Mais quand sont venues les années de ma jeunesse, j’ai contemplé la mousse de mes murs renversés ; mes soupirs s’éveillaient avec le matin, mes pleurs descendaient avec la nuit. Ne combattrai-je point, disais-je à mon âme, les fils de mes ennemis ? Oh ! je les combattrai, ô barde ! je sens la force de mon âme ! »

Son peuple se rassemble autour de lui ; tous à-la-fois tirent leurs brillantes épées. Le héros se tenait