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-= -5^ LE SYiMBOLISME ^ -»

Sa dernière œuA^e : Un Coup de dés jamais n'abo- lira le hasard, est un chant de désespérance. La forme en est plus abstraite que jamais, et, dans un propos liminaire, il explique qu'ici tout est significatif : les cliangements de caractère et les marges et les blancs même qui représentent l'inexprimé, l'inavoué, l'inex- primable. Le fond, c'est la même pensée qui inspire la Bouteille à la Mer d'Alfred de Vigny : le hasard oii l'œuvre d'art est jetée vers la postérité lointaine. Mais qu'il accorde peu de chances à cette œuvre qui lui coûta de longues et cruelles peines ! Verlaine avait grand'raison de comprendre Mallarmé dans ses Poètes maudits : il l'est de la malédiction des épines, de la malédiction du doute et de la stérilité.

Il avait dit : (( Je 1 exhibe avec dandysme, mon incompétence en autre chose que l'Absolu. » Ce fut l'Absolu qui le tua, parce qu'il le voulut trouver seu- lement en soi-même. Il avait des dons déHcieux, la technique la plus exquise, le sens le plus rare des images. Il ne lui manqua qu'une foi pour l'animer, lui donner une entière aisance, le mettre de plain- pied avec la vie sans se laisser coudoyer par elle : le dandysme d'un chevalier chrétien comme Barbey d'Aurevilly. Fut-il alors demeuré Mallarmé, Mallarmé tel qu'on l'admire, net et brûlant comme un glaçon, obscur par la lumière même qui s'y brise en faisceaux sans pouvoir traverser pour venir jusqu'à nous.^ On est en droit de se le demander et l'on regrette-