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.^ LE SYMBOLISME ^-

figure aux traits accusés, barrée d'une moustache terrible et de sourcils indomptés. L'ordre méditer- ranéen et la belle faconde du Midi fleurissaient ces agapes. On quitta l'Avenir pour avoir un coin plus à soi et l'on se réunit au restaurant de la Côte-d'Or, place de l'Odéon. C'était un restaurant à 26 sous, dont le bas regorgeait de cochers de fiacre et de maçons. Ceux des poètes qui étaient riches, Lionel des Rieux par exemple, y vivaient sur un pied de jDarfaite éga- lité avec ceux qui ne l'étaient point, et, chose rare à noter parmi les êtres susceptibles que sont les poètes, il n'y eut jamais entre eux le moindre froissement d'argent. Le garçon du lieu se nommait Amand : il avait conçu pour les poètes une admiration qui tou- chait au fanatisme. Le plus tôt possible, bousculant un peu, à l'occasion, les modestes clients de la salle inférieure, il grimpait au premier rejoindre les aèdes, les écoutant des yeux et de tout le visage, prompt à les servir, à leur rendre tous les menus soins autorisés par son état.

Souvent des invités venaient, des curieux aussi, attirés par les discussions que la presse alimentait autour de l'Ecole Romane. Oscar Wilde, en fastueux équipage, y rencontrait Verlaine au cache-nez d'un rouge piteux, pareil au drapeau d'une émeute après quatre jours de bataille. Vinrent aussi Henri de Régnier, Stuart Merrill, Viélé-Griffm et tous ceux qui se piquaient de poésie.