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des cervelles françaises, jadis si nettes et bien faites et dont le devoir présent est de le redevenir. Il n'y a pas de surhommes, ou si peu que cela n'entre pas en ligne de compte. Il n'est déjà pas si aisé d'être un homme, encore moins une femme : j'entends un être normal, doué de raison et de cœur, capable de con- naître son devoir et de l'accomplir. Il est évidem- ment facile de boire de l'absinthe au grand préjudice de son estomac, de porter un chapeau d'une certaine forme, un cache-nez d'une certaine couleur, de cou- per un mot à la rime ou de faire des vers de 70 pieds qui ne veulent pas dire grand chose, quand, de for- tune, ils ont un sens. Mais ce qui était difficile, ce qui eût été beau et ce qu'il fallait faire, c'était d'abord de chercher cette fluidité de son et de rythme qui rend incomparable le vers de Paul Verlaine :

J'ai peur d'un baiser Gomme d'une abeille : Je souffre et je veille Sans me reposer. J'ai peur d'un baiser.

Ce qui est spécial à Verlaine, c'est l'inquiétude de la pensée, l'adolescence trouble du sentiment dans la délicatesse de la forme. Banville a autant de souplesse, mais, chez Banville, elle vient d'une joie ardente, la joie des jeunes héros grecs, née de l'équi- libre des forces. Les demi-teintes de Verlaine n'ont jamais été égalées.