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HISTOIRE D’UN JUIF


I

Cela se passait il y a trois ans.

Le crépuscule n’assombrissait pas la campagne, parce que le ciel était clair et étoilé, mais l’humide brouillard, qui montait de rues bourbeuses, enténébrait la petite ville. Les effluves printanières du mois de mars et les senteurs de terres fraichement labourées flottaient au-dessus du toit bas des maisons, sans dissiper les vapeurs fétides et étouffantes amassées aux fenêtres et aux portes.

Cependant, en dépit de tant d’exhalaisons et de miasmes, la ville avait un gai aspect de fête. Les lourds rideaux des fenêtres interceptaient mal le brillant éclairage intérieur et le bourdonnement de conversations animées et de prières collectives. Le passant, qui aurait jeté un coup d’œil dans la première habitation venue, aurait distingué partout de joyeuses scènes de famille. Dans les chambres, petites ou grandes, autour de tables couvertes et parées, circulaient, le sourire aux lèvres, des femmes en bonnets d’étoffe voyante, qui corrigeaient la disposition du service et apportaient de nouveaux plats, en admirant l’œuvre de leurs mains ; des vieillards à longue barbe jouaient avec des enfants qu’au bruit des baisers qu’ils leur appliquaient, ils élevaient jusqu’au plafond, à la vive satisfaction des aînés, tandis que d’autres discouraient assis sur les affaires