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terribles assauts, il n’a pas d’exemples plus probants à citer à ses adversaires que celui des Juifs. Le grand historien Victor Duruy leur a rendu ce témoignage : « Le peuple de l’unité, qui jamais n’a voulu qu’un seul Dieu et qu’un seul temple, n’a eu besoin que d’un seul livre pour ne pas perir. Quel triomphe de la pensée sur la force ! »

C’est un perpétuel triomphe de l’esprit sur la force brutale que l’existence même du peuple juif, car la force n’a jamais pu venir à bout de ces foules misérables qui n’ont d’autre arme que l’esprit. L’esprit seul vaincra les travers opiniâtres de cette race (et quelle race n’a les siens ?) et ce n’est qu’en l’aimant que les nations extirperont ses travers et bénéficieront de ses immenses qualités.

Le prolétariat, jadis inconnu aux nations slaves, étend aujourd’hui ses ravages parmi elles. Mme Orzeszko étudie dans Juliette le paupérisme des chrétiens, comme elle étudia, dans le Fort Samson, le paupérisme des juifs. Quelques-unes de ses productions révèlent le besoin d’échapper par moments aux angoises du présent en remontant jusqu’à l’antiquité. Mais elle se hâte de revenir aux pauvres d’aujourd’hui et de nous attendrir sur la destinée de ces milliers de déshérités qui s’étiolent dans les cités modernes et défient l’optimisme de notre civilisation. Concevoir ainsi son rôle d’écrivain, c’est servir ses semblables, parce que tout ce qui ravive la pitié au cœur de l’homme avance la solution du redoutable problème de la misere humaine.

L. MICKIEWICZ.