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SA CORRESPONDANCE

bientôt vos pénates chéries. Puissent les Dieux faire prospérer plus honorablement et vous et vos affaires puissent-ils accorder à vos vertus les honneurs qui leur sont dus ! Pour ma part, puissent-ils faire que je supporte avec modération ce malheur accablant, puisque, dans le cours de mon existence tout entière, rien, à mon avis, n’eût pu me paraître à coup sûr plus pénible que cette dureté de votre cœur. Malgré tout, quoi qu’il advienne, votre souvenir restera toujours en mon cœur ; je me rappellerai toujours votre bienveillance, votre pieuse et sincère amitié. En quelque lieu du monde que vous viviez, je serai toujours, je vous le promets malgré mon peu d’habileté, le héraut de votre gloire, de votre renommée. Je vous supplie donc de répondre à mon affection d’après les inspirations de votre bonté naturelle. Du reste, je vous demande, avec audace peut-être, mais avec une insistance des plus grandes, qu’en considération de mon incroyable fidélité à votre égard, de mon amitié durable, vous me fassiez présent du volume qui contient le Discours fait par vous à la louange de votre Duchesse. En cela, vous ferez œuvre pie, et je vous en conserverai une gratitude qui ne s’éteindra jamais. Adieu, vertueux Agrippa.


X
Agrippa à un ami.

Mai 1519.

La question du péché originel et de la première transgression des hommes a été jugée de bien des manières par les plus savants, les plus éminents interprètes des Livres Saints, tant anciens que modernes. Bien que j’aie médité longtemps et souvent sur ces opinions, ces docteurs m’ont paru n’avoir écrit à ce sujet que des choses obscures et douteuses. Laissant de côté leurs avis, sans toutefois les dédaigner, je me suis formé une méthode toute nouvelle qui m’est personnelle, discutable sans doute, mais peut-être vraie : je la ferai connaître. Je ne sais si quelqu’un l’a formulée avant moi. Si cela était, je ne lui cause aucun tort en disant qu’elle procède de moi, puisque je l’ai arrachée aux ténèbres de l’indifférence avec le seul secours de mon travail, de ma raison et par l’examen attentif des Écritures. J’ai donc publié une dissertation courte et sommaire sur cette manière de voir ; je vous la dédie, honorable et estimable Père, afin qu’appuyée par l’autorité de votre nom contre la tourbe d’opposants qu’elle va faire surgir elle puisse résister avec honneur. Je sais, en effet, de quel déluge de syllogismes elle va être accablée de la part de certains Théosophistes ; je veux parier de ces gens qui font fi de toute explication simple, chez qui ne sont en vigueur que la recherche et l’affectation. Je ne pourrai faire crouler leur mur de pierres sèches, me frayer un passage à travers leurs syllogismes qu’avec votre secours, le seul efficace contre cette sorte de grenouilles égyptiennes du dieu Typhon.