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SA VIE ET SON ŒUVRE

a rendus à Marguerite d’Autriche et à l’empereur[1] ; il y tient d’autant plus « qu’il redoute fort ses créanciers qui contrarient tous ses mouvements ». Quant au troisième mariage qu’il avait contracté à Malines, il n’avait point amélioré son sort, puisque, après cette union peu favorable sous tous rapports, il est plus pauvre qu’auparavant. Aucune mention n’en est faite dans ses lettres et l’on en est réduit sur ce point à cette affirmation de Jean Wier : « ubi conjugem Mechlinensem Bonnæ repudiasset anno tricesimo quinto supra sesquimillesimum[2]. »

Quittant furtivement Malines, il s’était sauvé, en mars 1532, dans les États et sous la protection souveraine de l’Électeur de Cologne. La cause de ce brusque départ n’était point sa disgrâce à la cour des Pays-Bas, mais la vulgaire nécessité de se mettre à l’abri des poursuites de ses créanciers[3]. Au courant de l’été de cette même année, il reparaît un instant en Brabant, puis il vient à Francfort en septembre, et ensuite à Bonn, où il finit par s’établir définitivement[4] et y passe la majeure partie des trois dernières années de sa vie. De cette résidence, il pousse activement une réimpression de ses ouvrages, dont le succès devenait retentissant ; il fonde une grande espérance sur ces nouvelles éditions, mais il espère sans le grand inquisiteur Conrad d’Ulm, qui vient de lui susciter de gros ennuis, en interdisant la seconde édition de ses œuvres. Protestant énergiquement contre ce véto, Agrippa objecte qu’il est nanti d’une autorisation écrite et scellée du sceau impérial : il en réfère au sénat de Cologne dans un plaidoyer habile et fougueux qui n’est guère qu’une répétition de ceux dont on a déjà parlé. Entre temps, il adresse à Marie, reine de Hongrie, un long factum[5], sorte de panégyrique de sa propre vie, fait par lui-même, où il étale avec une superbe audace, mais non sans une certaine éloquence parfois élevée, son profond dévouement à l’empire « qu’il a préféré servir malgré les avantages

  1. Voir Archives de Lille, Comptes des finances de 1532, folio 216, que nous avons déjà indiqué précédemment, p. 35, note 2.
  2. Wier, De magis, chap. 5, p. 111.
  3. Epist., VII, 21.
  4. Dans une grande maison, et c’est la dernière qu’on lui connaisse (Epist., VII, 14. 15, 16, 18). De là il correspond encore avec Dom Luca Bonfius, secrétaire du cardinal Campegi, et avec Dom Bernard de Paltrineriis, son majordome (Epist., VI, 30 ; VII, 2, 3, 7, 8, 14, 15, 22).
  5. Ce mémoire avait pour objet d’obtenir le payement ultérieur de sa pension de 200 livres comme fonctionnaire impérial et la remise à ses créanciers des arrérages qui lui étaient dus, mais il en profite pour rappeler à grands traits son curriculum vitæ présenté sous un jour favorable à sa personne. Il y avait joint les lettres de l’ambassadeur Chapuys et remis à Khreutter le tout afin qu’il le lise à la Reine. La lettre à Khreutter et la requête à la gouvernante des Pays-Bas ne portent point de date, mais ces deux pièces sont antérieures à Noël 1532.