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HENRI CORNÉLIS AGRIPPA


XII

Depuis bientôt quatre mois Agrippa attend avec anxiété. Enfin le 25 février 1828, il reçoit du roi un sauf-conduit valable pour six mois et pour dix personnes[1]. Malgré cela, il n’est pas tranquille, et ne sera point protégé des voleurs : il lui faut aussi des lettres de sécurité de la part du duc de Vendôme, dont les troupes occupent les frontières[2], et un passe-port de Marguerite d’Autriche, régente des Pays-Bas. Tous obstacles franchis, un autre se dresse aussitôt. Le pauvre docteur, comme il le dit lui-même, « est tombé de Charybde en Sylla ». Maintenant qu’il va pouvoir voyager, il n’aura plus d’argent. Après avoir éprouvé ce qu’il appelle la sottise des Princes, Agrippa éprouve l’amertume de constater l’ingratitude d’un ami ; aux imprécations d’Agrippa, il semble que cet intime familier, jusqu’au jour de l’épreuve, devait être un de ceux sur lesquels on a le droit de compter d’une manière absolue en toutes circonstances critiques. Désespéré, il s’adresse à Aurélien d’Aquapendente, puis à Augustino Fornari, et leur expose avec éloquence sa situation aussi précaire qu’intolérable s’ils ne viennent à son secours, il est perdu[3]. Auprès du duc de Vendôme, il fait tenter de nouveaux efforts, aussi stériles que les premiers ; ses lettres n’arrivent même pas à destination. Mais les événements se précipitent ; il apprend que la reine-mère et la princesse Marguerite ont résolu de le supprimer. Aussi part-il la nuit furtivement, laissant à Paris femme, enfants et bagages, et se dirigeant sur Anvers[4], où il arrive le 23 juillet 1528. Sa première correspondance est adressée à Aurélien d’Aquapendente qu’il attend au premier jour, ne voulant se faire reconnaître de per-

  1. Epist., V, 39, 43 et 45.
  2. Lettre à Chapelain du 6 mai 1528 (Epist., V, 43). Le duc de Vendôme, à qui on avait présenté sa requête de sauf-conduit, déclara qu’il n’apposerait jamais sa signature sur une feuille portant le nom d’Agrippa. (Voir lettre d’Agrippa à Oronce Finé. Epist., V. 30.) On ignore si Agrippa obtint du duc les litteræ dimissoriæ (Epist., V, 35 et 36.)
  3. Au commencement de janvier 1528, les douze premiers jours d’entretien à l’auberge lui coûtent déjà, dit-il, près de 20 couronnes d’or ; il avait pris gîte dans l’hôtellerie de Sainte-Barbe, rue de la Harpe. Fornari était alors en voyage on ne sait où Agrippa lui écrivit néanmoins à tout hasard. Il finit par trouver asile au couvent des Carmes, d’où est datée sa dernière lettre de Paris du 16 juillet 1528. (Epist., V, 27, 28, 38, 43 à 48.)
  4. Epist., V, 50 et 51.