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SA VIE ET SON ŒUVRE

bre 1527, et descend la Loire jusqu’à Briare où il fixe un rendez-vous à son ami, le bénédictin. Toutes ses précautions sont prises. Il écrit encore, en style biblique, une autre lettre à Aurélien d’Aquapendente, puis à Augustino Fornari, ses protecteurs. Douze jours après, il est à Gien où, de l’auberge des Trois-Rois, il envoie à son moine de Saint-Benoit, qu’il n’a pas rencontré à Briare, un second rendez-vous au bourg de Saint-Martin, près de Montargis, dans une hôtellerie à l’enseigne du Pressoir d’Or, où il restera deux ou trois jours pour se reposer. Le 20 décembre suivant, après avoir préalablement expédié sa bibliothèque par la Lorraine à Augustino, il arrive à Paris, où il correspond avec Chapelain en janvier, mai et juin 1528, mais en retenant sa plume vipérine. Ayant également écrit à Louise de Savoie, il n’en obtient aucune réponse : Chapelain avait prétendu que rien n’était encore perdu pour Agrippa et que, si le docteur voulait employer auprès d’elle l’évêque de Bourges et le Sénéchal, il pourrait rentrer dans les bonnes grâces de la reine-mère[1]. Le Chancelier de France est favorablement disposé envers lui, et le fait même pressentir pour de nouvelles fonctions, il lui payera, au besoin, ses appointements sur sa propre cassette, mais Agrippa a l’expérience des finesses gauloises et ne s’y laisse plus prendre. Il ne réclame qu’une chose, un sauf-conduit[2] ; il prétend que la reine-mère ne serait pas étrangère à ces manœuvres de la dernière heure, qu’elle est, au fond, vexée de son départ, et ses atermoiements, son retard à signer le sauf-conduit n’ont d’autre but que de le déterminer à changer de résolution[3]. Elle a fait mieux : un magicien célèbre qu’elle a mandé est venu d’Allemagne ; c’est une ruse de guerre pour éveiller les susceptibilités et la jalousie bien connue d’Agrippa en lui opposant un confrère. La reine-mère est à Saint-Germain, Agrippa est à Paris : les jours s’écoulent et les dépenses se succèdent sans interruption. Quand sortira-t-il de là ? Il n’en sait rien. Sans doute il exerce la médecine pour vivre et il y gagne quelque argent, mais, comme il le dit lui-même, « à peine de quoi subvenir aux besoins journaliers ». Ses regards sont constamment tournés du côté d’Anvers. C’est là qu’est la paix, là le bonheur, là peut-être la fortune.

  1. Epist., V, 22. Comp. document traduit, p. 78.
  2. Lettre datée de Paris du 1er janvier 1528 (Epist., V, 23). Depuis le 20 décembre 1527, Agrippa était à Paris (Epist., V, 20 et 24).
  3. Epist., V, 23, 24, 25, 27 et 28.