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SA VIE ET SON ŒUVRE

avec eux. Ce Fornari n’était pas étranger à la culture des sciences occultes dont il espérait tirer parti, et il empruntait des livres au philosophe. Plus tard, étant à Ratisbonne, il le priait de lui réserver deux exemplaires de sa Philosophie occulte quand elle aura paru[1]. Ce qu’il y a de certain c’est que ce Mécène gênois a été pour beaucoup dans la détermination prise par notre aventurier, en 1527, de quitter la France pour s’établir à Anvers.


X

Pendant qu’il était à Lyon, on le voit s’occuper soit de Pyromachie, soit d’importantes découvertes de machines de guerre telles qu’on n’en a encore jamais vues, soit de constructions architecturales. Il est évident que la lettre à Chapelain du 5 février n’a pas été écrite en vue de celui-ci seulement, mais en espérant pour elle le sort qu’ont partagé deux ou trois de ses précédentes missives, c’est-à-dire qu’elle tombe entre les mains royales.

Il ne discontinue pas ses visites au trésorier Bullioud pour cela, mais il en rapporte toujours les mêmes déceptions. Son jeu de mots familier qu’on peut traduire ainsi : Bullioud me paie en bulles, revient comme un refrain demi-désespéré dans chacune de ses lettres. Chapelain a fini par voir la Reine, mais il est désolé de n’avoir que de mauvaises nouvelles à annoncer à son ami. Louise de Savoie est d’ailleurs malade d’un rhumatisme qui l’empêche de dormir, elle passe des nuits à crier ; bref, elle a ses nerfs et le moment est des plus mal choisis pour lui rappeler le souvenir de quelqu’un qu’elle ne peut couvrir. Non seulement il ne s’agit plus maintenant de lui payer sa pension arriérée, mais le moment n’est pas éloigné où elle lui sera retirée officiellement. Quant à pénétrer les causes de cette antipathie, Chapelain s’en déclare incompétent. Alors Agrippa entre dans une violente colère et écrit de nouveau. Il veut être jugé ; qu’on le condamne s’il est coupable, mais qu’on l’absolve s’il n’a pas fait de mal ; cette incertitude lui est trop cruelle pour qu’il puisse la supporter davantage. Il n’est pas sans savoir qu’il s’est fait des ennemis parmi les courtisans, mais il est plus fier de l’hostilité de pareilles gens que de leur amitié qu’il n’a jamais recherchée. « Moi, dit-il fièrement, je

  1. Idem, VII, 10. Conf. id., VII, 2, 7, 15, 22. Leur correspondance dure plusieurs années. (Voir p. 414 et suiv., II, op. omnia.)