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HENRI CORNÉLIS AGRIPPA
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Agrippa. C’est lui qui rappelle à la cour, quand l’occasion semble propice, le nom de son confrère délaissé. Infatigable à exalter les mérites de l’homme, les services rendus, les talents de l’écrivain, son dévouement soit à la reine-mère, soit à la princesse Marguerite, il a parfois le bonheur d’être écouté, mais les promesses qui lui sont faites ne sont en réalité que de vaines paroles. On a l’air de se débarrasser du louangeur dévoué en lui accordant verbalement ce qu’il demande, et lui-même, quand il rend compte à Agrippa de ses démarches, de ses constants efforts, ne lui cache pas que la négociation traînera en longueur à cause de l’esprit indécis de Louise de Savoie[1]. Le roi lui-même, auquel on a soumis le cas, a décidé qu’Agrippa serait payé. On informe les trésoriers qu’ils en recevront incessamment l’ordre ; mais l’ordre n’est jamais donné et le philosophe, leurré dans ses espérances, se voit réduit aux plus pénibles extrémités. S’il est probable qu’il ait reçu quelques dons du Connétable, il est certain qu’il reçut beaucoup et souvent d’Eustache Chapuys, son illustre ami, qui, en sa qualité d’agent politique de Charles-Quint, l’utilisait à certains renseignements diplomatiques. Mais l’argent fondait aux mains d’Agrippa afin de subvenir à ses dépenses, il dut aussi faire de la pratique médicale, car, au dire de son familier, le docteur Jean Wier, « ne cessait de mener partout un train dispendieux ». En outre, son parent Guillaume Furbity, le Sénéchal de Lyon Henri Sohier, son confrère Chapelain, sans compter d’autres personnages influents, ne l’abandonnèrent point dans la peine et le danger.

Agrippa continuait avec Chapelain sa campagne et sa correspondance pour obtenir ses appointements. On ne cessait de promettre comme on ne cessait d’éluder la question. Un moment il croit toucher au but : l’intendant Barguin, professant pour Henri Cornélis une grande estime et pour les gens de lettres une sincère amitié, écrit à Lyon au trésorier Martin de Troyes d’avoir à liquider ce paiement. Bien mieux, c’est en vertu d’un ordre formel de la reine-mère qu’il faut presser cette solution. Averti par Chapelain, Agrippa se rend chez Martin de Troyes, qui prétend n’être pas averti. Quelques jours après, Pierre Sala, lieutenant royal et parent de l’évêque de Bazas, exhibe à Agrippa une lettre où ce prélat affirme qu’ordre de paiement avait été donné par la reine-mère à Martin de Troyes. Celui-ci, sur nouvelle insistance du philosophe, avoue qu’en effet il a des

  1. Comp. Epist., IV, 54, 75 ; V. 3, 7.