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SA VIE ET SON ŒUVRE

une admiration sans borne qui avaient pris un soin tout particulier de sa renommée de médecin, si bien qu’au moment de son arrivée à Lyon il y reçut un accueil des plus bienveillants. Si la cour avait été à Paris, Agrippa y serait sans doute accouru, si désireux qu’il était de se pousser et de faire étalage de ses connaissances ; la cour étant alors à Lyon, c’est là qu’il vint directement. Il y arriva dans les deux ou trois premiers jours de mai 1524, au moment où François Ier portait le deuil du Chevalier Bayard que les Impériaux venaient d’arquebuser à Romagnano[1]. Les affaires du roi ne prospéraient pas à cette époque et le sublime vagabond de Cologne eut à subir le contrecoup de ces royales vicissitudes. D’une lettre de lui à Chapuys, datée de Lyon du 3 mai 1524, je traduis ces passages caractéristiques : « Au milieu des hasards les plus divers, au milieu de tous les risques du sort, nous sommes enfin arrivés à Lyon. Dans cette ville où je puis jouir auprès d’anciens amis des plaisirs de l’intimité, dans cette ville où je vais trouver largement appuis, occasions et moyens de réussir, je commence enfin à trouver l’honneur, la gloire et la fortune. J’ai laissé aussi à Fribourg des amis que je n’oublierai jamais. Au reste j’attends du roi un envoyé qui doit me remettre en or le prix de ma pension ; même j’ai déjà reçu de son trésorier quelques pièces d’or à couronne pour m’installer chez moi... Notre fils Haymon vous reste, nous vous le recommandons... Je vous prie de ne pas négliger mes tableaux, car dans peu de temps je vous enverrai de l’argent pour les racheter et pour qu’ils me soient restitués[2]. »

Agrippa semblait, en effet, être parvenu à une situation meilleure. Présenté à la cour de France par Symphorien Bullioud, lyonnais, alors évêque de Bazas[3], il fut nommé médecin de la reine-mère, et il entra en relations avec Jehan Perréal, peintre du roi, avec Denis Turin, Guillaume Cop et André Briau, médecins du roi, avec le père Jehan de la Grève, cordelier de Saint-Bonaventure de Lyon, et enfin avec Jehan Chapelain, médecin comme lui de Louise de Savoie, pour lequel il ne cessa de conserver la plus vive amitié.

  1. Le 30 avril 1524.
  2. Epist., III, 58. Voir plus loin, p. 71.
  3. 1480-1553. Il fut évêque de Glandève (1509), de Bazas (1515), de Soissons en 1528, mais il fut chargé surtout de missions diplomatiques. Nommé gouverneur du Milanais par Louis XII, il fut ensuite envoyé à Jules II pour terminer quelques différends ; il assista aux conciles de Pise et de Latran et fut chargé par François Ier de diriger les deux assemblées relatives, d’une part, au connétable et, d’autre part, aux conditions de la paix de Madrid. Agrippa eut de fréquentes correspondances avec ce prélat (Epist., IV, 9, 14, 15, 22, 24, 31, 39, 47, 49, 53, 66, 69, 74, toutes lettres de 1526), et il lui dédia sa Dehortatio gentilis theologiæ en 1526.