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HENRI CORNÉLIS AGRIPPA

Si l’Empereur était au courant de toutes les circonstances concernant mon affaire, de toutes les injures que j’ai reçues, s’il connaissait mes écrits par lui-même, peut-être son esprit serait-il mieux disposé à mon égard il ne me regarderait pas comme le dernier des hommes ; — mais, la plupart du temps, à la Cour des rois, la méchanceté des détracteurs a plus de puissance que le crédit des gens de bien. Celui qui calomnie n’est pas seulement coupable, mais encore celui qui prête l’oreille à la calomnie. Ces accusations ne m’auraient certainement pas atteint, ces mauvaises langues n’auraient pas réussi à me nuire, si elles n’avaient pas rencontré des oreilles ouvertes au mal. Mais j’ai confiance en mon innocence. Je ne serai point convaincu de crime et je ne fais qu’un seul vœu : celui d’avoir un juge à la fois intelligent et impartial, comme vous, par exemple. En conséquence, je prie et supplie à nouveau Votre Éminence de ne pas me fermer son cœur, et, bien que vous soyez accablé d’affaires nombreuses et des plus importantes, qu’elle m’accorde un peu de son temps pour prendre connaissance de mes écrits et de mes réponses, jusqu’à ce qu’elle possède à fond ma cause. N’envisagez pas avec peine que je vous réclame comme mon protecteur dans un procès que, sans doute, bien des gens vous dépeindront comme odieux. Il ne peut vous déplaire de lutter contre de perfides faussaires, contre des sycophantes impies et criminels, pour prendre la défense de la Piété et de la Bonne Foi. Fasse Dieu que son Église soit purgée de la souillure de tous ces hérétiques et des ténèbres des Sophistes ! Puisse-t-elle recouvrer son antique splendeur ! Puissiez-vous y trouver vous-même salut, gloire et prospérité ! Adieu, le plus cher des amis.


LXV
Agrippa à un ami[1].

Bonn, 13 novembre 1532.

Personne, illustre Lucas, ne peut témoigner mieux que vous de la promptitude avec laquelle j’ai répondu relativement à mes articles que la cohorte impie des Théosophistes de Louvain taxent d’impiété et de scandale. C’est vous qui avez vu, lu, entendu alors la majeure partie de l’improvisation de mon apologie. Voilà déjà dix mois que j’ai communiqué au Parlement de Metz la dite Apologie, et j’aurais dû recevoir de lui acte du dépôt de ces articles. N’ayant rien reçu à ce sujet, j’ai résolu de ne pas abandonner moi-même mes propres intérêts. Aussi ai-je publié cette Apologie, et cela sous le haut patronage de mon Révérendissime Seigneur et

  1. Lucas Bonfius, secrétaire du Cardinal Campegio. Conf., page 111 précédente, lettre d’Agrippa à ce cardinal.