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SA VIE ET SON ŒUVRE

Si l’on en croit Bayle[1], Teissier, sur la foi de M. de Thou, aurait fait naître Agrippa à Nettesheim, nom d’un village au nord de Cologne, aujourd’hui dans le cercle de Neuss, province de Düsseldorf. Un biographe plus ancien, Thevet[2], qui ne fait d’ailleurs que reproduire avec autant de crédulité que de bonne foi les racontars de Paul Jove[3], de Melchior Adam et d’autres encore, déclare qu’Henri Cornélis Agrippa naquit en la ville de Nestre. Thevet croyait sans doute écrire de l’histoire. N’était-il pas facile, cependant, sur les propres indications d’Agrippa, pour peu qu’on eût consulté sa correspondance, de reconstituer la vérité ? il naquit à Cologne[4], où habitaient ses ancêtres, le 14 septembre 1486. Son adolescence s’écoula au début de ce xvie siècle si remuant, si vivace, dont il semble avoir aspiré en germe toutes les tendances rénovatrices. Les traditions de sa famille lui imposaient le métier des armes : il y a lieu d’admettre qu’elle ne lui était pas antipathique, à s’en rapporter aux péripéties de sa carrière et à l’humeur belliqueuse qui ressort de toutes les phases qu’il a traversées. Ce type aventureux devait envisager non sans plaisir les hasards à la fois terribles et charmants de ces longues chevauchées à travers l’Europe, sur les pas de l’errant Maximilien, du chevaleresque François Ier ou du cauteleux Charles-Quint.

Ses aïeux ayant servi l’empereur d’Autriche, il était naturel que lui aussi, dès ses plus jeunes années, s’enrôlât sous la bannière de ce souverain. D’après des pièces authentiques on peut conjecturer que les sept ans qu’Agrippa passa dans l’armée autrichienne s’écoulèrent tantôt en Espagne, tantôt en Italie, tantôt dans les Pays-Bas, de 1501 à 1507. Mais on doit regretter l’absence de tout renseignement sur le rôle qu’il joua au cours de cette période initiale. À ce propos, il est lui-même d’une grande sobriété, dont il ne se départ que pour indiquer qu’il a été créé chevalier sur le champ de bataille après une action d’éclat[5]. Qu’il ait exercé le métier militaire sans intermittence, il faut élever à cet égard un doute fondé sur ce fait qu’en abandonnant son grade de capitaine et le service de l’empereur, il était déjà prêt à subir ses thèses en médecine et in utroque jure. Ses

  1. Dict. hist. et critique, 1697. Conf. Niceron, éd. Briasson, Paris, 1732, t. XX p. 104 ; — Ant. Tessier, les Éloges des hommes scavans... Utrech, pet. 8°, 1696.
  2. Les vrais pourtraits et vies des hommes illustres, 1584.
  3. Elogia virorum litteris illustrium, Venise, 1546.
  4. Les Amenitates litterariæ de Schelhornius le font Belge de naissance (Leipsick, 2 v. 8, 1737-38, tome II, p. 553).
  5. « Humano sanguine sacratus ». Conf. Epist., livre VI. 22 ; VII, 21.