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qu’il était le modèle de la plus noble libéralité. Quant à la clémence, il la poussa si loin, que deux patriciens du rang le plus élevé ayant conspiré contre lui, et ne pouvant nier le complot qu’ils avaient tramé, il les avertit d’abord qu’il savait tout : puis il les mena au théâtre, les fit asseoir à ses côtés, demanda à dessein, comme pour en examiner la pointe, l’épée d’un des gladiateurs qui combattaient, et la confia à l’un et à l’autre : tous deux restent frappés de surprise et d’admiration devant sa fermeté : « Ne voyez-vous pas, leur dit-il, que c’est le destin qui donne la puissance, et qu’on tenterait vainement un crime dans l’espoir de s’en emparer, ou dans la crainte de la perdre? » Comme son frère Domitien lui tendait aussi des embûches, et s’efforçait de soulever les esprits des soldats, il le conjura plusieurs fois, les larmes aux yeux, de ne point désirer acquérir par un parricide ce qui devait lui appartenir un jour d’après la volonté même de son frère, et ce qu’il avait déjà, puisqu’il partageait le pouvoir. Sous Titus, le mont Vésuve s’enflamma dans la Campanie, et à Rome éclata un incendie qui dura trois jours et trois nuits sans interruption. Il y eut encore une peste horrible, et telle que peut-être on n’en avait jamais vu jusqu’alors. Cependant Titus soulagea tant de maux, sans imposer aux citoyens aucun sacrifice; il leur prodigua tout ce qu’il avait d’argent, tout ce qu’il put trouver de remèdes, tantôt guérissant lui-même les malades, tantôt consolant les affligés qui pleuraient la mort de leurs parents. Il vécut quarante et un ans, et mourut de la fièvre dans la même campagne que son père, au pays des Sabins. On aurait peine à croire quel deuil immense la mort de Titus causa dans Rome et dans les provinces chacun à l’envi l’appelait, comme nous l’avons dit, les délices du genre humain ; chacun le pleurait comme si le monde entier eût à jamais perdu son gardien tutélaire.